Cette semaine, en plus d’avoir voté contre le projet de loi du député acadien René Arseneault qui voulait rendre le serment au roi optionnel, des élus conservateurs ont chanté God Save the King dans la chambre censée être celle de tous les Canadiens. Un manque de sensibilité envers l’histoire des francophones et encore plus des Autochtones du Canada.

La couronne britannique qu’ils glorifient ainsi ostensiblement traîne dans son sillage un passé raciste et xénophobe. Une histoire qui mélange colonisation, déportation et tentatives d’extermination et dont les souvenirs sont encore vivants autour du globe.

Entendons-nous bien, je ne dis pas ici que ces gens n’ont pas le droit d’aimer ou même de vénérer ce sang royal. Ce que je dénonce, c’est leur exaltation de la monarchie pour rabaisser des collègues qui ne pensent pas comme eux.

Tous ceux qui s’intéressent un peu à l’histoire et aux souffrances que la couronne britannique a fait vivre aux Acadiens peuvent comprendre pourquoi la démarche de René Arseneault était hautement significative. En plus, le député ne demandait pas qu’on supprime cette pratique. Il voulait simplement qu’on la rende optionnelle. Alors qu’est-ce que ça peut vraiment foutre à un député albertain, qu’un élu acadien s’abstienne de jurer fidélité au roi Charles III ? Surtout quand cet élu conservateur peut continuer à le faire la main sur le cœur s’il le souhaite.

En vérité, parmi ces gens qui ont chanté God Save the King, il y a des esprits encore habités par des idées néocolonialistes proches du suprémacisme britannique de l’époque victorienne.

Ce que ces apologistes de la couronne disaient indirectement aux Acadiens, c’est : « Encore aujourd’hui, nous ne vous laisserons pas penser autrement, car nous sommes la référence. Nous nous donnons le droit de cracher sur votre projet d’émancipation mentale en chantant les louanges de votre prétendu bourreau. C’est notre façon de vous demander de vous coucher, d’accepter cette réalité et d’adhérer à notre conception de la vertu qui est bien supérieure à la vôtre. »

Chez ces gens, on érige ces croyances en modèle pour mieux contrôler les autres. On dit : « Je suis contre l’avortement. Alors je ne veux pas que tu avortes. Autrement dit, je veux avoir le contrôle sur mon corps, mais aussi sur le tien. Ma vision sur l’identité de genre est la bonne. Alors tu n’as pas le droit de penser autrement. Je refuse que tu choisisses le moment de ta propre mort, car ma religion me l’interdit. »

Cette façon de voir la vie m’horripile au plus haut niveau, mais je vais quitter cette saga pour vous parler d’un autre évènement de cette semaine : le témoignage de Justin Trudeau devant la commission sur l’ingérence étrangère. En effet, après son interrogatoire, j’ai recommencé à me demander si Justin aime la lecture et les livres. Quelle surprise d’apprendre pendant son témoignage que Justin ne lisait pas beaucoup ses dossiers ! Une révélation aux antipodes de ce que nous a déjà raconté sa cheffe de cabinet, Katie Telford. Cette dernière disait que Justin Trudeau lisait absolument tous ses dossiers.

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le premier mnistre Justin Trudeau, témoignant devant la Commission d’enquête sur l’ingérence étrangère, mercredi dernier à Ottawa

On ne sait plus quoi croire dans cette histoire, car le premier ministre lui-même nous a déjà dit être un grand lecteur. Le 30 décembre 2019 à Mississauga, interrogé sur ses habitudes et préférences de lecture, Justin avait donné cette réponse qui restera dans les livres d’histoire qu’il ne lira certainement pas : « J’en ai tellement, je lis beaucoup, beaucoup. Ces jours-ci, je ne peux même pas imaginer quelle réponse donner à cette question-là. Je lis beaucoup de bouquins très lourds sur l’économie, sur l’avenir de notre planète, sur les décisions qu’on va avoir à prendre et il y en a de très bons. »

Comment quelqu’un qui adore lire des livres sur des décisions qui ne sont pas encore prises peut-il rester si insensible aux notes qu’on lui glisse pour éviter que des entités étrangères ne déstabilisent la démocratie canadienne ?

Peut-être que Charles III, qui est un représentant de Dieu sur terre, peut nous aider à comprendre ce mystère.

Comme si tout ça n’était pas assez grave, Justin Trudeau a dit juger « très improbable » que le régime chinois ait eu une préférence entre son gouvernement et celui des conservateurs d’Erin O’Toole lors du scrutin de 2021. Sérieusement, est-ce qu’il y a un individu sensé qui croit qu’entre O’Toole qui accusait de façon frontale le régime de Pékin d’orchestrer un génocide des Ouïghours et Justin qui marchait sur des œufs pour ne pas heurter Xi Jinping, la Chine n’avait pas son préféré ?

D’ailleurs, qu’est-ce qui s’est passé lorsque la pression médiatique a fini par forcer Justin Trudeau à parler d’ingérence chinoise ? Le président Xi Jinping lui a parlé dans le casque au sommet du G20 à Bali. On ne sait pas exactement ce que lui disait Xi Jinping, mais son non-verbal témoignait clairement du manque de considération qu’il avait désormais pour le fils de Pierre Elliott Trudeau qui, lui, était un véritable ami de l’empire du Milieu.

Si la Chine n’avait pas de préférence entre les libéraux et les conservateurs, pourquoi perdrait-elle son temps et son argent à essayer de noyauter les élections canadiennes ? Peut-être cherchaient-elles ironiquement à donner à Yves-François Blanchet la direction du Canada. Depuis quand une puissance étrangère s’ingère-t-elle discrètement dans un scrutin sans y avoir un favori ? Est-ce qu’on a déjà vu un parieur miser sur un match de boxe sans se préoccuper de l’issue du combat ?

Si la Chine, la Russie, l’Iran et même le Pakistan ambitionnent sur nos élections, c’est certainement parce qu’ils voient le Canada comme le maillon le plus facile à déstabiliser du G7. Autrement dit, nous sommes le laboratoire d’expérimentation pour leur grand projet de subversion des démocraties libérales en marche. Si ces députés conservateurs voulaient vraiment chanter, c’est May God Protect our Democracy qu’ils auraient dû fredonner.