Samedi, le 2 mars, au milieu de la matinée, je consulte mon fil X, sur mon téléphone. Je tombe sur l’envoi de Pierre Houde, le brillant descripteur des matchs du Canadien : « C’est avec le cœur brisé que je dois vous annoncer le décès de mon frère Paul bien-aimé… » Paul Houde est décédé. Toutes les autres préoccupations du jour viennent d’être éclipsées. La planète Paul occupe toutes nos pensées.

Je m’installe à l’ordi pour écrire ce que je ressens en dedans. Les mots, dans ces moments-là, sont des larmes qui consolent : « J’ai toujours admiré Paul Houde. Il savait tout. Souvent les gens qui savent tout se prennent au sérieux. Lui, c’était tout le contraire, il se prenait avec humour. Cet homme savant était gradué de la faculté d’émerveillement. C’était un grand enfant ne cessant de faire des travaux de recherche. Il se passionnait pour tellement de sujets : de l’astronomie au football américain, des Olympiques aux Winnebago. Et quand il parlait de tout ça, il y avait plus d’étoiles dans ses yeux que dans un planétarium… »

Je poursuis en racontant les réunions de production de La fin du monde est à 7 heures, et je termine avec notre dernier échange de textos, à propos du Super Bowl de février. Son dernier mot à mon égard est un bonhomme sourire. C’était bien lui, chaque fois que je le croisais, l’homme au grand sourire. Voulant rire et faire rire, voulant intéresser et divertir, voulant aimer et être aimé. Je partage mon texte sur Facebook, comme on allume une bougie, pour lui rendre hommage et pour éclairer, un peu, les amis assombris.

Quelques jours plus tard, Francine, son épouse, sa partenaire, sa complice, commente ma publication : « Si Paul avait pris connaissance de ce témoignage, il aurait été très heureux surtout venant de toi. Merci Stéphane. » Elle signe avec un cœur brisé.

Et du coup, je me dis : pourquoi je n’ai pas écrit ça à Paul de son vivant ? C’est fou, parce qu’il y a quelques jours à peine, en lisant tous les articles flatteurs rédigés par les grands observateurs politiques, à propos de l’ancien premier ministre, Brian Mulroney, je me faisais la même réflexion : dommage qu’il soit parti, en ne sachant pas tout le bien qu’on pense de lui. À vrai dire, ce sentiment m’habite chaque fois qu’une personnalité, à la suite de son décès, reçoit un concert d’éloges. C’est triste qu’un si beau concert ne soit pas entendu par celui ou celle qui l’a inspiré.

Je m’en veux. Quand Paul Houde a quitté BPM Sports, l’automne dernier, je lui avais envoyé un texto lui disant de se reposer un peu, que j’avais hâte de le retrouver en ondes. C’était gentil. Amical. Mais ce n’était pas à cœur ouvert, comme mon propos d’il y a une semaine.

J’ai déjà dit à Paul combien j’étais impressionné par le puits de connaissances qu’il était, mais je ne lui ai jamais dit à quel point je l’admirais pour sa façon de partager son savoir avec les néophytes que nous sommes, sans jamais nous faire sentir inférieurs, avec toujours un ton rieur. La marque d’un être sensible. J’aurais dû. Mais c’est rare, dans la vie, qu’on révèle nos sentiments en profondeur. On reste en surface. Bravo ! T’es bon ! Wow ! T’es le meilleur ! Je t’aime.

On encourage. On envoie des fleurs. Sans jamais donner les raisons de notre affection. Par gêne ou par pudeur. On trouve que ce n’est pas le bon moment. On craint d’avoir l’air heavy.

Malheureusement, le bon moment n’arrive jamais. Et le mauvais moment arrive toujours. Le moment où il est trop tard. Où on ne peut plus se reprendre. Où l’autre est parti. Pour toujours. Alors, on se rattrape en livrant un vibrant hommage que tout le monde entendra, sauf la personne concernée.

Ce serait bien, tant personnellement que collectivement, qu’on trouve une façon de dire aux gens qu’on apprécie tout le beau qu’on pense d’eux pendant qu’ils sont toujours en vie.

Je sais, le problème, c’est qu’il y a beaucoup de vivants, et des morts, il y en a un à la fois. Des fois, deux ou trois. Ça permet de concentrer nos épanchements sur le ou les défunts.

Avec les vivants, les aléas du quotidien ne se prêtent pas souvent aux grandes envolées. Il faut savoir saisir l’occasion : un anniversaire, une retraite, un honneur, un coup dur, un remerciement, tout ce qui nous donne le goût de confier ce que l’on ressent.

Faudrait pas que l’action de mourir soit la seule chose qu’un humain puisse faire pour attirer des vagues d’amour spontanées et sans barrage.

On se console toujours, en se disant que là où il est, le disparu est témoin de nos louanges posthumes. Ce serait bien, même si là où il est, le citoyen du ciel doit être très détaché de sa petite personne. C’est pendant qu’elle n’est pas en paix que notre âme a le plus besoin de ça.

Que ceux qui aiment ne se gênent pas pour envelopper d’amour les vivants – après tout, ceux qui haïssent n’attendent pas la mort des gens qu’ils haïssent pour les traîner dans leur haine. Ça équilibrerait le tout. Ça allégerait l’atmosphère. Et ça rendrait le monde plus vivable.

En terminant, merci à Francine d’avoir pris le temps de m’écrire. Ses mots m’ont fait du bien. Je pense très fort à elle et à toute sa famille.

C’est le message de cette chronique : toujours se dire ce qu’on a dans le cœur.