Le dernier coup de sonde de la firme Nanos réalisé pour le compte du réseau CTV accorde 23,8 % des intentions de vote aux libéraux de Justin Trudeau. Ils sont désormais presque à égalité avec les néo-démocrates, qui récoltent 21,9 %. Justin poursuit donc sa chute libre dans les sondages.

Plus dramatique encore, le même sondage nous apprend que la seule porte de salut des libéraux passe par le départ du chef. En effet, seule une maigre proportion de 3 % des Canadiens pense encore que garder Justin comme chef est la solution pour que le Parti libéral du Canada (PLC) remonte dans les intentions de vote.

Qu’est-ce que les élus du PLC vont faire avec cette bombe ? Ont-ils le temps de lui demander de quitter le navire pour ne pas risquer de couler avec lui ? Justin a-t-il le temps de rebondir ? Personne ne sait. Chose certaine, la sagesse, c’est aussi l’art de savoir partir volontairement avant de se faire montrer la porte. Malheureusement, le pouvoir politique peut devenir une addictive drogue capable de voiler le jugement.

PHOTO SAUL LOEB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Joe Biden, président des États-Unis

Les démocrates américains sont aux prises avec un dilemme semblable. Là-bas, même si tous les sondages lui disent que son âge et ses problèmes de mémoire sont un obstacle à sa réélection, Joe Biden refuse aussi de se tasser. À moins d’un revirement spectaculaire, il serait prêt à couler son parti pour assouvir sa dépendance au pouvoir qui dure depuis un demi-siècle.

PHOTO TAYLOR BAUCOM, THE NEW YORK TIMES

Donald Trump, candidat à l’investiture républicaine en vue de la présidentielle

Chez les républicains, le scénario est presque identique. Donald s’accroche et n’hésiterait pas à tout détruire sur son passage pour retrouver les sensations de puissance et les niveaux de dopamine qui irriguaient son cerveau lorsqu’il était président.

Aussi, malgré les sondages qui disent clairement que les chances d’une victoire républicaine contre Biden seraient bien plus élevées avec Nikki Haley, céder le passage n’est pas une option pour Trump, qui est devenu complètement obsédé par le pouvoir politique.

Sous l’emprise de cette drogue capable de donner des instants de divinité à un simple mortel, certains comme Donald peuvent devenir dingues, paranos et même psychopathes. Aveuglés par les caméras, la reconnaissance et les attentions des louangeurs qui gravitent autour d’eux, il arrive qu’ils délaissent leurs proches pour la cause.

Quelle place pour la famille du puissant quand il est constamment entouré de courtisans qui répondent à ses moindres caprices et lui font des compliments comme on place de l’argent à la banque en espérant récolter des intérêts ? Même quand le roi a des flatulences, disait ma grand-mère, sa suite lui dira que ses gaz sentent la vanille.

Malheureusement, après ce nirvana rempli de privilèges et de gratifications, il est difficile pour certains de se contenter d’une simple vie de citoyen bien ordinaire. Sinon, comment expliquer qu’après tous les coups reçus et la traversée du désert vécue, Jean Charest n’a pas trouvé la force de résister à cette envie de revenir sur le ring pour se faire envoyer aussi dramatiquement au tapis par Pierre Poilievre ? Peut-être qu’on est ici en présence d’une autre forme de sadomasochisme. Si certains choisissent de retomber, c’est parce que le sevrage d’une telle dépendance porte également son lot de détresse, d’anxiété, de dépression et de vide existentiel.

Pour mieux comprendre cette réalité, Denis Coderre est un archétype très intéressant à regarder aller. Après quelques années de difficile sevrage, Denis a fait une rechute. Après la politique fédérale et municipale, il cherche maintenant à régner sur le Parti libéral du Québec.

Le voyant débarquer dans leur formation, les libéraux s’activent pour contrer son plan. Ils veulent lui trouver un adversaire de taille pour éviter un couronnement. En cause, après tout le travail de réflexion fait par le parti pour se renouveler, advenant sa consécration, Denis risque de passer pour un dinosaure devant Gabriel Nadeau-Dubois et Paul St-Pierre Plamondon. En plus, les recommandations du rapport d’André Pratte et de ses collaborateurs, ce texte qui devait être au centre de la plateforme électorale du PLQ en 2026, semblent bien loin des priorités de Denis dont la quête du pouvoir semble devenue le moteur principal de sa vie.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Denis Coderre ambitionne de devenir chef du Parti libéral du Québec.

Il est prêt à tout pour retrouver sa drogue de prédilection. La preuve, il se dit maintenant favorablement à la loi sur la laïcité. Il affirme même qu’il reconduirait la disposition de dérogation qui met cette loi à l’abri des poursuites judiciaires. Le même Denis qui déchirait sa chemise et parlait de mettre Montréal à l’abri de tout projet de laïcité est maintenant favorable à la loi.

Pourquoi ? Parce que chez ces accros au pouvoir, comme disait l’autre, la tête est ronde pour que les idées et les convictions puissent changer rapidement de direction. La seule chose qui leur importe, c’est de garder ou de retrouver les élixirs qui font du pouvoir un des plus puissants aphrodisiaques de l’humanité. Aussi, malgré deux défaites successives à la mairie de Montréal et une santé fragile, Denis convoite encore désespérément la grande récompense dopaminergique.

Il n’y a pas longtemps, Régis Labeaume disait sur le sujet : « Visiblement, Denis Coderre n’est pas capable d’avoir de vie en dehors de la politique, et ça, c’est malsain. » Un dur constat auquel Denis répondra qu’il est simplement habité par une passion. Rien de surprenant, car dans toute dépendance, l’autoévaluation amène souvent à se considérer comme un simple amateur. Un alcoolique, disait Coluche, c’est quelqu’un que vous n’aimez pas et qui boit autant que vous.

Cela dit, je suis de ceux qui ne pouffent pas de rire, comme Marwah Rizqy l’a fait, devant ses réalisations comme maire de Montréal. Denis a indéniablement aidé la ville à retrouver une certaine fierté en tassant l’épais nuage de corruption qui la recouvrait après la commission Charbonneau. Disons qu’il a réalisé de belles choses pour Montréal avant que ses propensions populistes et ses mystifications autour de la Formule E le terrassent.

Cependant, je crois aussi qu’une nouvelle incursion de Denis Coderre dans l’arène politique pourrait être le combat de trop de sa vie. Après deux knock-out à la mairie de Montréal, sa prochaine visite au tapis risque d’être terriblement destructrice. Mais ça, celui qui a déjà flairé la prochaine question de l’urne et s’identifie comme le capitaine Canada le sait.

Comme le rappelait autrement un dénommé Luc Leblanc dans Le Devoir, qu’est-ce que le capitaine Denis pourrait nous vanter aujourd’hui sur le Canada de Justin ? Ses performances en environnement ? Ses prouesses en gestion des finances publiques ? Sa fantastique gestion de l’immigration, des aéroports et des frontières ? Ses performances en politique internationale ? Son sens de l’éthique et de la transparence ? Son efficacité à abaisser le coût de la vie ? Son dévouement pour la protection du français et du bilinguisme canadien ? Le plus récent Nanos est indirectement une réponse à toutes ces questions.