J’écris cette chronique en toussant et en mouchant. Vous la lisez probablement en toussant et en mouchant. Autour de nous, les gens tombent comme des mouches, ou plutôt comme des mouchés. Jamais vu autant de contaminés depuis… Depuis avant la pandémie.

Oui, avant la pandémie, parce que durant la pandémie, on donnait le nombre de contaminés tous les jours, on en faisait grand état, mais on ne les voyait pas, les pauvres. Surtout pas. On se tenait loin d’eux. Jamais aussi peu vu et entendu de monde tousser et moucher que durant les années COVID-19. Quelqu’un avait le malheur d’éternuer à proximité de nous, on le bannissait pour au moins un mois. Va t’isoler ! Tu reviendras quand tu sauras contrôler tes envies d’atchoumer !

Je n’ai jamais été aussi en santé que durant la pandémie. Pas la moindre toux, pas le moindre reniflement durant deux ans. Mes proches aussi. Merci aux mesures de la Santé publique !

Le Québec n’a jamais autant pété de santé que lorsqu’il craignait d’être infecté. Pas étonnant, notre seul travail était de ne rien attraper. On se lavait les mains plus souvent qu’un politicien. On restait dans notre bulle de savon. On n’était jamais à portée de postillons. Quand on devait circuler dans les endroits publics, c’était masqué comme Batman, pour protéger l’humanité. Ce mode de vie était terriblement contraignant, mais on ne pognait rien. À part les plus fragiles et les malchanceux. On avait le nez aéré et la gorge déployée. On pestait contre le destin sans apprécier notre chance de ne pas morver.

Quelques mois plus tard, nos habitudes de vie sont redevenues nos vieilles habitudes. On ne se tient plus à deux mètres les uns des autres, mais à deux pouces. Les deux pouces qu’on ne se lave pas très souvent. On se promène nu-face, les muqueuses au vent, et on attrape tout ce qui passe.

C’est ma deuxième grippe de l’hiver. J’aurais cru que la première m’aurait immunisée contre la seconde. Pantoute ! Ce n’est pas la même souche. Il y a plein d’infections différentes qui circulent dans notre environnement. Pas une grosse infection vedette, comme en 2020. Des bonnes vieilles grippes, comme dans le temps. C’est la revanche des grippes ordinaires. Celles pour lesquelles il n’y a pas de désignation. Celles dont on ne parle pas au téléjournal. Celles pour lesquelles on ne fait pas d’émissions spéciales de Découverte. Celles pour lesquelles on ne fait pas de point de presse (quoiqu’en ce moment, le premier ministre du Québec, pour changer le mal de place, aurait sûrement le goût d’en faire). Celles qu’on avait rayées de la carte grâce aux mesures de la Santé publique imposées lors de la pandémie. Elles sont de retour ! Et elles sont frustrées ! Frustrées de toute l’attention reçue par la COVID.

Elles se disent : « On n’est pas des stars, nous autres. On n’est pas des Taylor Sniffe, mais on va vous en faire baver, on va vous en faire tousser, on va vous en faire moucher ! » Et c’est ce qu’elles font.

Ce n’est pas tout. La COVID est toujours là. Comme bien des étoiles, elle a eu sa période de gloire, maintenant elle ne provoque plus les mêmes commotions. Elle est devenue un virus comme les autres. Un peu has been. Mais toujours gossante. Qui fait tousser et moucher, elle aussi. On ne s’en sort pas. Le pire, c’est lorsque quelqu’un dit qu’il a la COVID, en 2024, il se fait juger. Il a l’air démodé. Il a l’air d’un anachronisme. D’un lecteur CD ou d’un BlackBerry. D’une antiquité. On ne le prend pas au sérieux. On lui souhaite bonne COVID ! C’est tellement devenu anodin qu’on a même le droit d’aller travailler en étant covidé. À la machine à café, c’est plein d’employés la goutte au nez.

Tout le monde est malade ! Et personne n’en parle. C’est normal. La moitié du Québec est poqué. Faut faire avec. Ça ne sert à rien d’engorger les urgences (sauf si vos symptômes dégénèrent). Le seul remède à notre souffrance, c’est du repos. C’est bien beau, du repos, mais c’est quoi, du repos ? On prend ça mollo combien de temps ? C’est combien de séries Netflix, du repos ? Les quatre épisodes de Raël ? Les six épisodes de Griselda ? Les dix-neuf saisons de Grey’s Anatomy ? Le repos, à la longue, c’est épuisant. Surtout qu’en position allongée, on est porté à tousser encore plus.

Notre système immunitaire avait oublié les grippes saisonnières. C’est pour ça qu’on les attrape toutes, en ce moment. On est en train de se refaire des anticorps. Et notre corps ressemble plus à un anticorps qu’à un corps.

Ça va passer. Mon nez va finir par sécher. Ma gorge va finir par s’éteindre. Les grippes saisonnières s’en vont avec les saisons. En attendant, ça a beau drainer toutes mes énergies, je n’en suis pas à regretter le temps aseptisé de la pandémie.

Vaut mieux être libre et malade que confiné et en santé !

Bon dimanche quand même !