Chers vrais amateurs de football américain, plus qu’une semaine avant le grand soir, avant le coït ininterrompu, avant le Super Bowl ! Vous avez tellement hâte. Vous attendez ce rendez-vous depuis un an. Depuis la fin du précédent.

Vous avez suivi le repêchage de la fin d’avril, les camps d’entraînement commencés le 26 juillet et les matchs d’avant-saison du mois d’août. Le jeudi 7 septembre, vous étiez devant votre écran pour le lancement de la nouvelle campagne. Vous n’avez rien manqué. Vous avez été à l’affût de tout. Le dimanche, quand tout le monde dormait dans votre domicile, vous vous êtes levés tôt pour regarder les parties disputées à Londres et à Francfort.

Vous savez tout, les fiches de Dak Prescott, de Josh Allen, de Lamar Jackson, le nombre de sacs du quart réussis par les Lions de Detroit, le nombre de convertis ratés par les Browns de Cleveland, le nombre de Hail Mary tentés par les Colts d’Indianapolis, le nombre de partisans des Packers de Green Bay arborant un gros morceau de fromage sur la tête. Vous êtes le Jedi de la NFL.

Vous partagez votre passion avec les auditeurs de BPM Sports et les habitués de la balado The Ringer NFL Show. D’autres crinqués comme vous, qui parlent le même langage.

Mais voilà que dimanche prochain, la NFL ne sera pas seulement l’affaire des initiés, la NFL sera l’affaire de tout le monde. Vous ne serez plus seuls dans votre salon. Vous serez entourés de gens qui n’y connaissent rien. De gens pour qui les essais, c’est un livre de Montaigne. De gens qui avant s’intéressaient au Super Bowl pour deux raisons : les pubs et le spectacle de la mi-temps. Cette année, ils en ont ajouté une troisième : Taylor Swift. Bref, des incultes. Des ignorants de la NFL. Surtout, ne les méprisez pas ! C’est la raison de ma missive, ce matin.

Depuis quelques semaines, depuis que les Swifties ont gonflé les cotes d’écoute des matchs des Chiefs, on sent beaucoup d’agacement de la part des vrais amateurs de football américain.

Ils sont exaspérés chaque fois que les caméras montrent à l’écran la chanteuse la plus populaire du moment. Certains vont même jusqu’à se déchaîner contre elle sur les réseaux sociaux. Les boys, prenez un temps d’arrêt ! Faites un caucus avec votre esprit. Taylor Swift est dans votre gang. Elle est une fan de football, comme vous. Elle regarde la game, comme vous. Oui, c’est parce qu’elle sort avec un joueur de football. Pis après ? Chacun ses raisons. Vous, c’est l’amour du sport. Elle, c’est l’amour du sportif. L’important, c’est l’amour.

Savez-vous combien de secondes on nous montre Taylor Swift, durant un match ? Moins de 25 secondes. La rencontre dure trois heures. Elle apparaît à coups de 4-5 secondes. Prenez une gorgée de Bud, regardez votre téléphone, étirez-vous, y a pas mort d’homme. Et si vous la regardez, réjouissez-vous. Taylor Swift est une super bonne partisane. Elle est dans le match. Elle est investie. Trop souvent, quand on nous montre des personnalités dans les loges, elles ont l’air de s’ennuyer. Pour une fois qu’il y en a une qui agit comme on le ferait à sa place, applaudissons.

PHOTO JULIO CORTEZ, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

L’ailier rapproché des Chiefs de Kansas City Travis Kelce et la chanteuse Taylor Swift

La réaction agressive que déclenchent les apparitions de Swift, durant les matchs de football, est gênante. Durant des années, les caméras ne se sont pas gênées pour montrer Jack Nicholson assis au premier rang lors des matchs des Lakers de Los Angeles, dans la NBA. Personne ne s’en prenait à Jack. Au contraire. Alors pourquoi agir ainsi avec Taylor ? Misogynie, est-ce que ton non-jupon dépasse ?

On peut être un vrai de vrai amateur de football et ne pas dédaigner l’engouement créé par la présence de Taylor Swift aux matchs de Kansas City. Tout ça n’est qu’un jeu. Travis Kelce attrape des ballons. Taylor Swift chante des chansons. On est dans le divertissement. Y a pas de raison de se pomper.

Parfois, durant les arrêts de jeu, on nous montre des cheerleaders, des mascottes, des gars avec une casquette contenant deux bières reliées à leur bouche avec des pailles, parfois ce sont les parents des joueurs, un enfant qui s’endort, un propriétaire inquiet, et parfois c’est l’amoureuse de l’un des joueurs, d’autant que l’amoureuse est la star la plus suivie de la planète. Vous seriez dans la régie de réalisation, vous la montreriez aussi.

Dimanche prochain, vous serez en minorité. Il y aura plus de fans d’un soir qui vont regarder le Super Bowl que de fans d’une vie. Et c’est bien ainsi. Si vous aimez vraiment le football, vous devriez être heureux que les gens s’intéressent à ce que vous aimez, ne serait-ce qu’une fois par année. Vous devriez les prendre sous votre aile. Et les aider à comprendre ce sport que vous connaissez si bien. Un amateur de sport aime gagner, alors gagnez-les à votre cause. Ne les rejetez surtout pas.

Parmi les millions de personnes qui vont regarder, sur le party, l’affrontement entre les Chiefs et les 49ers, il y en a peut-être quelques personnes qui, se frottant à votre enthousiasme, se laisseront prendre au jeu et deviendront des aficionados du football américain. Ça vous fera des ami·e·s de plus avec qui échanger, les lundis d’automne. La principale qualité du sport est de rassembler. N’enfermez pas votre sport préféré.

Dimanche prochain, que vous criiez pour Mahomes, Purdy, Swift ou Usher, l’essentiel, c’est d’exprimer sa joie. Sa joie d’être ensemble. Il y a assez de sujets graves qui divisent, les sujets légers doivent nous multiplier. Bonne semaine du Super Bowl à tous !