Nagano 1998. Première présence du hockey féminin aux Jeux olympiques d’hiver. Le hockey n’est plus seulement une affaire de boys. On découvre, avec ravissement, le talent des Hayley Wickenheiser, France St-Louis, Danielle Goyette, Nancy Drolet, Cammi Granato et Laurie Baker. En finale, les Américaines surprennent les Canadiennes, 3 à 1, et remportent l’or. Une rivalité est née.

Salt Lake City 2002. C’est le début de l’ère Kim St-Pierre. La gardienne de but permet au Canada de vaincre le pays hôte et de monter sur la plus haute marche du podium.

Turin 2006. Les Canadiennes récidivent, cette fois en battant les Suédoises en grande finale. La très douée Caroline Ouellette marque le but gagnant.

Vancouver 2010. Nos filles, portées par une foule en délire, remportent une troisième médaille d’or d’affilée en battant les Américaines 2 à 0. Les deux buts sont l’œuvre d’une jeune joueuse évoluant sur le quatrième trio, Marie-Philip Poulin.

Sotchi 2014. Une finale inoubliable. Moins de quatre minutes à jouer, les U.S.A. mènent par deux buts. Le Canada parvient à combler l’écart avant que ne sonne la sirène. En prolongation, Marie-Philip Poulin marque son deuxième but de la soirée. Et de quatre pour les Canadiennes !

PyeongChang 2018. Toute bonne séquence a une fin. Une autre rencontre épique, mais amèrement inoubliable puisqu’on a perdu. Les Américaines remportent l’or en tirs de barrage. Ce n’est que partie remise.

Pékin 2022. La merveilleuse Marie-Philip Poulin couvre d’or le Canada en marquant à deux reprises lors du match ultime. Elle devient la seule athlète, hommes et femmes confondus, à marquer le but gagnant dans trois finales olympiques au hockey.

Ça fait donc 26 ans que le hockey féminin nous emballe, nous donne des frissons et nous rend fiers. Euh… C’est pas vraiment comme ça qu’il faut calculer ça. Ça fait plutôt sept fois que le hockey féminin nous captive. Sept fois en 26 ans, c’est pas beaucoup.

Entre deux Jeux olympiques, les joueuses disparaissent. Complètement. Comme le 29 février, elles n’existent qu’une fois tous les quatre ans. Entre deux Jeux olympiques, les meilleures joueuses au monde se dispersent dans divers réseaux. Loin de nos yeux, loin de nos cœurs.

Heureusement, en 2024, les temps changent ! La Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF), créée en collaboration avec Billie Jean King, la Jeanne d’Arc du sport féminin (elle a battu un homme au tennis), innove. Pour la première fois, il existe un circuit réunissant les meilleures joueuses au monde. Un pendant à la LNH des gars. On peut les apprécier, les encourager, les connaître, s’attacher à elles de saison en saison. Des milliers de filles peuvent s’identifier aux Poulin, Carpenter, Bettez et Nash, comme des milliers de garçons s’identifient aux Crosby, McDavid, Bedard et Caufield.

Tout n’est pas parfait. Les équipes n’ont pas encore de noms, les chandails sont trop ressemblants, le site de la ligue est unilingue, mais pour l’instant, ce n’est pas ça qui compte. Ce qui compte, c’est les filles. Et elles comptent ! Et des milliers de spectateurs crient quand elles comptent. Pas juste une fois tous les quatre ans.

Le hockey est notre sport national. Mais il n’y a rien de national qui ne soit partagé par les hommes et les femmes, par la nation au complet.

Rien ici ne rassemble autant que le hockey. Le seul terrain d’entente des deux solitudes, c’est la patinoire. Souvenez-vous quand le Canadien est en séries, à quel point ça rapproche les gens. Maintenant, Montréal a deux fois plus de chances d’être en séries.

C’est la beauté du sport. Éveiller le sentiment grégaire. Unir les gens qui habitent au même endroit, mais s’ignorent trop souvent. Ce n’est pas seulement une vingtaine d’individus contre une autre vingtaine d’individus. C’est Montréal contre Boston. C’est Toronto contre Ottawa. C’est New York contre le Minnesota. Les citadins qui ne patinent pas, à part sur les trottoirs, font quand même partie de l’équipe, parce que c’est l’équipe de leur ville.

Il n’y aura peut-être jamais d’égalité dans les salaires des joueurs et des joueuses, mais la LPHF va servir quand même l’égalité entre les hommes et les femmes, l’égalité dans les esprits, l’égalité dans les perceptions, l’égalité dans les réalisations.

Le hockey est un symbole trop fort pour que sa prise de possession par les femmes ne change pas les mentalités. Ça va aider le rapport hommes-femmes. Réduire la distance entre Mars et Vénus. Faire réaliser qu’on vient tous de la Terre.

Imaginez si le prochain défilé d’un championnat de hockey, dans les rues de Montréal, est celui de la bande du club de la directrice générale Danièle Sauvageau ! Une page se tournerait. Une population en liesse devant une équipe de filles. Wow ! Il serait temps ! Bien sûr, quand on y réfléchit, c’est juste normal. Mais pour qu’une réaction devienne normale, il faut que ça se produise au moins une fois.

En plus de toutes les considérations de diversité et d’inclusion, la principale raison de regarder le hockey féminin, c’est parce que c’est bon ! Le match Montréal-New York de mardi à la Place Bell était pas mal plus enlevant que le match Montréal-Ottawa de jeudi au Centre Canadian Tire.

Dans chaque coup de patin donné par les joueuses, on sent leur plaisir de jouer, on sent leur fierté de ne pas jouer seulement pour elles, de jouer pour nous. D’être enfin reconnues. Comme un artiste qui, après avoir beaucoup galéré, se retrouve à la Place des Arts ou au Centre Bell. Bonsoir, Montréal !

Les femmes font partie du show ! Vive la hockey !