Les joueuses de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) ne sont pas les seules à marquer l’histoire cet hiver. En effet, Claudine Douville, Andrée-Anne Barbeau, Isabelle Leclaire, Stéphanie Poirier, Karell Émard, Émilie Duquette et la journaliste terrain Catherine Savoie marquent les annales du Réseau des sports (RDS) en formant la première équipe entièrement féminine à la description d’une ligue sportive.

Depuis des années, RDS réunit des communicatrices pour décrire les Championnats mondiaux de hockey féminin. Le 7 mars 2008, lors de la Grande Semaine Hockey, le réseau avait également célébré la Journée internationale des droits des femmes en réunissant Claudine Douville, Danièle Sauvageau, Hélène Pelletier et France St-Louis lors d’un match entre New Jersey et Tampa Bay.

Pourtant, jamais une saison complète n’avait été couverte par des femmes. « C’est un beau coup d’éclat, dit Claudine Douville. Il y avait une volonté à RDS de mettre juste des femmes. Pourquoi ? Je dirais peut-être trois siècles de retard à rattraper. »

Andrée-Anne Barbeau précise que les compétences ont primé, en soulignant que Claudine est une sommité qui couvre le hockey féminin depuis 20 ans, qu’Isabelle Leclaire est entraîneuse-chef des Carabins et que son adjointe Stéphanie Poirier évolue à l’international.

Elle ajoute que Karell Émard est une ancienne joueuse qui a pris part à la rédaction de la convention collective de la nouvelle ligue, qu’Émilie Duquette est une excellente animatrice télé et qu’elle-même couvre le hockey depuis 17 ans.

C’est super d’être six femmes [dans l’équipe de diffusion], mais en termes de bagage, je crois qu’il faudrait vraiment être malhonnête pour dire que quelqu’un est dans cette équipe juste parce qu’elle est une femme.

Andrée-Anne Barbeau

Le monde change

Bien du chemin a été parcouru depuis qu’on a empêché Barbeau de pratiquer son sport de prédilection durant ses premières années. « Je voulais jouer au hockey, mais quand ma mère s’est informée, on lui a répondu que les filles jouent à la ringuette », se souvient-elle.

L’animatrice a toutefois compris qu’elle pourrait se tailler une place dans le monde du hockey en voyant les Canadiennes exceller aux Jeux olympiques de Salt Lake City. « J’ai fait mon parcours dans les médias au hockey masculin, mais quand j’ai vu les balbutiements de la LPHF, j’ai dit à mes patrons que je voulais faire partie de cette aventure. »

Après les insuccès de plusieurs ligues féminines, Claudine Douville a été surprise par la création rapide de la LPHF. « J’étais un peu sous le choc. Dès le moment où tu sais que ça s’en vient, tu y crois et tu commences à te préparer, mais quand ça a débuté, l’excitation m’a happée. J’ai compris que c’était un moment historique. »

Lors du premier match des Montréalaises, le 2 janvier dernier, sa collègue a aussi été prise d’une émotion. « Ça faisait longtemps que je n’avais pas été fébrile comme ça avant un match de hockey, dit Andrée-Anne Barbeau. Je sentais que je vivais quelque chose d’important. »

PHOTO MARC DESROSIERS, ARCHIVES USA TODAY SPORTS

La gardienne Emerance Maschmeyer (38), de l’équipe d’Ottawa, freine Marie-Phillip Poulin lors du premier match de l’équipe montréalaise, le 2 janvier.

Mais comment se préparent-elles pour couvrir une ligue qui n’existait pas il y a quelques mois ? La réponse : des heures et des heures de préparation. « Je prends les joueuses les unes après les autres pour trouver un maximum d’informations sur elles, car ça demeure un enjeu de trouver des données sur le hockey féminin, qui est moins documenté que la LNH, la Ligue junior majeur ou la Ligue américaine », explique Barbeau.

Forte de plusieurs décennies d’expérience, Douville n’est pas intimidée par six équipes à apprivoiser, elle qui doit parler de 32 équipes à chaque Coupe du monde de soccer. Pour elle, le défi est de trouver une identité à chaque formation. « On va découvrir leurs forces, identifier des enjeux entre les équipes et suivre le classement sur une saison entière. C’est très excitant ! »

Le temps va nécessairement faire son œuvre. « C’est juste le début, et le niveau est déjà bon, dit Barbeau. Graduellement, les filles vont apprendre à jouer ensemble, les équipes vont se placer et ça va être encore meilleur. »

Vision féminine ?

Lorsqu’on leur demande si elles ont une meilleure compréhension de certains enjeux propres aux joueuses, parce qu’elles sont elles-mêmes des femmes, Claudine Douville répond que son travail ne diffère pas avec des athlètes féminins ou masculins.

Andrée-Anne Barbeau évoque une sensibilité à certains égards, comme en constatant que les joueuses auraient droit à un congé de maternité. « Ça me réjouissait, mais je me disais : ‟Oh mon Dieu, en 2023, se réjouir de ça, je ne sais pas si c’est triste ou heureux”. » Peut-être que mes collègues masculins diraient la même chose, mais on a une sensibilité en tant que femmes, car la conciliation travail-vie personnelle vient nous chercher. »

Sa collègue attrape la balle au bond. « J’ai eu trois enfants et j’ai continué à travailler tout le temps. Donc, peut-être que je les comprends davantage. » Elle pense alors qu’elles ont l’habitude, elles aussi, d’évoluer dans un milieu essentiellement masculin. « Le combat des filles pour se tailler une place dans un monde d’hommes, on peut le comprendre et être fières de leurs accomplissements. »