Les chewing-gums pour l’esprit, ce sont mes chroniques plus ludiques que pertinentes. Une chronique juste pour sourire. C’est un titre qui me vient de ce proverbe américain qui qualifie la télévision de chewing-gum pour l’esprit.

On ne célèbre pas la fête de Jésus comme les autres. C’est le seul personnage de l’histoire de l’humanité dont on célèbre l’anniversaire en reconstituant tout autour de sa naissance. Dans la crèche ainsi aménagée pour se souvenir, les parents, l’étable, les animaux qui y vivaient et les visiteurs envoyés par le Seigneur sont tous représentés.

Évidemment, je parle ici des Rois mages, qui semblent être une des premières tentatives de projet multiculturel. En effet, une certaine croyance veut que Melchior soit blanc, Baltazar foncé comme Boucar et Gaspard d’origine orientale.

Cela dit, j’ai déjà entendu un conteur acadien raconter qu’il y avait un autre roi qui s’appelait Ultramar. Ce quatrième mousquetaire n’était pas guidé par l’étoile dans le ciel. Plus capitaliste que les autres, Ultramar cherchait plutôt du pétrole.

Depuis le dernier gouvernement libéral du Québec, j’ai aussi ajouté un cinquième roi dans la distribution. Ce cinquième roi originaire du Québec est un docteur qui s’appelait Melcouillard. Arrivé bien avant les quatre autres, il portait avec lui une paire de ciseaux pour couper le cordon ombilical.

Coupeur compulsif, il avait rapidement fait tellement de dommages dans le système de santé de Bethléem que Marie en était réduite à accoucher dans une étable.

Juste pour faire sourire, permettez-moi de déraper un peu plus loin sur le sujet. En cause, je me demande si on pourrait aujourd’hui refaire cette mission multiculturelle sans bisbille. Imaginez si on devait confier cette responsabilité à des jeunes qui sont plus éveillés face aux discriminations et carburent au wokisme. La bisbille serait rapidement au rendez-vous. Essayons de revisiter cette histoire pour mieux l’adapter aux valeurs sociétales d’aujourd’hui.

Imaginons une telle mission quand, quelque part dans les dunes, Balthazar entame la conversation :

« Melchior, pourquoi c’est toi qui transportes l’or ?

— C’est le Seigneur qui en a décidé ainsi, mon ami. Il a dit : “Melchior apportera l’or, Balthazar, la myrrhe et Gaspard, l’encens. That’s it, that’s all.

— OK… Pas la peine de monter sur tes grands chameaux… »

Balthazar prend Gaspard à part et, sur le ton de la confidence, dit :

« On ne se fera pas grand amis à Bethléem, mon gars.

— Comment ça, Balthazar ?

— Apporter de quoi parfumer un mort à la famille d’un nouveau-né… méchant cadeau !

— Si c’est le Seigneur qui en a décidé ainsi, comme le dit Melchior, il doit y avoir un sens qui nous échappe. La myrrhe est simplement une façon de rappeler que l’enfant à naître ne pourra pas échapper à la mort.

— Je pense plutôt que Melchior nous a roulés dans la farine. Ouvre les yeux, Gaspard. On s’est fait embarquer dans un système d’évangile à deux vitesses. Melchior a négocié en douce un droit de premier choix avec le patron avant de mettre la main sur l’or. On s’est fait embarquer dans une sorte de partenariat public-privé. Nous assumons les risques et Melchior va récolter les bénéfices.

— Ouain…

— Dans le fond, Gaspard, on cherche l’étoile, mais c’est Melchior, la star attitrée de cette mission.

— C’est vrai que ce n’est pas juste que Melchior apporte un super cadeau sorti de la banque ou de la bijouterie, et nous deux gogosses qu’on peut trouver dans une boutique grano au coin de la rue. Quand je pense qu’on fait des semaines de chameau dans le désert pour apporter ça, j’ai presque honte, Balthazar.

— Arrêtez donc de chialer parce que j’ai choisi un beau cadeau, bande de jaloux.

— Tu as entendu ça, Gaspard ? Le pire, c’est que Melchior n’est même pas conscient de ses privilèges.

— Je pense que l’or devrait pour une fois être confié aux communautés racisées, pas vrai, Balthazar ?

— Excuse-moi, Gaspard, mais on dit communautés noires et racisées.

— Ah bon, parce qu’en plus, il y a une hiérarchie ?

— Ne te mêle pas de ça, Melchior, on discute entre nous dans notre safe space.

— Franchement, ça va être quoi ensuite, vous allez me canceller ?

— Ce n’est pas fou, ça, mon Melchior, un peu de diversité, ça ne ferait pas de mal, hein, Balthazar ?

— Tu n’as pas tort, mon Gaspard !

— Franchement, les gars, on est quand même trois rois venus d’horizons différents. Qu’est-ce que vous voulez de plus ?

— Justement, on est trois rois. C’est trop masculin et patriarcal, ça. Pourquoi ne pas ajouter une queen dans l’histoire ?

— Pas la reine de Saba, toujours ?

— Non, Melchior ! Plus diversitaire et inclusif que ça. Pourquoi pas une drag queen mage ? Elle pourrait aider cette communauté de Bethléem à s’habituer à la différence. Tout le monde serait gagnant !

— Sauf moi, je me ramasse au chômage parce qu’il n’y a plus de place dans ce monde pour un homme blanc hétérosexuel de 50 ans.

— As-tu une candidate en tête pour ce quatrième roi, Balthazar ?

— J’ai d’abord pensé à Ritabagar, mais j’en connais une vraiment top, Barbadar ! C’est une super conteuse, c’est parfait pour une histoire comme la nôtre. Elle pourrait revoir toute la légende de manière plus inclusive et parler aux enfants des anges descendus du iel.

— Du iel ?

— Les anges n’ont pas de sexe, voyons, Melchior, tout le monde sait ça. Pourquoi penses-tu qu’ils s’appellent Michel, Gabriel et Raphaël ? Parce que ce sont des noms non genrés.

— Bon, une autre affaire. Et ils chanteraient quoi, ces anges-là, autour de la crèche ?

— Hosanna, évidemment.

— Non, mais c’est quoi, votre projet ? Le Grand Remplacement ? Si vous voulez plus de moi, je m’en vais avec mon or. Vous allez être débarrassés.

— Vas-y si tu veux, mon Melchior. Si c’est le prix à payer pour un monde où tout le monde a sa place, que ta volonté soit exaucée. Mais tu pourrais choisir de rester. Si les trois mousquetaires étaient quatre, les rois mages peuvent l’être aussi. Au fond, tout ce qu’on demande, c’est que tu fasses un peu plus de place aux autres qui sont différents. Équité, diversité et inclusion. Au pire, si on est trop à l’étroit dans la crèche, on sortira le bœuf. Quant à l’or, on pense aussi qu’il serait plus simple de le présenter comme un cadeau de groupe, un symbole de notre unité qui fera notre force. »

À tous ceux qui lisent, évitent, aiment, critiquent et même détestent mes textes, je souhaite un joyeux Noël !