La guerre en Ukraine, un an déjà. Ce qu’il faut être con pour écrire ça. Pardon. On l’est tous, devant cette guerre au loin. Soyons honnêtes, c’est vrai que pour nous, le temps a passé rapidement. Eille ! Février 2022, c’était hier ! OK, il y a eu le déclenchement de la guerre, mais il y a eu tant d’autres affaires.

Une guerre, ça passe toujours rapidement, pour ceux qui la regardent sur un écran. Pour ceux qui la subissent, une guerre d’un an, c’est une guerre de cent ans. Un an à craindre pour sa vie. Un an à se demander quand notre maison va sauter. Un an à craindre que nos enfants se fassent tuer. Imaginez. On capote quand on nous annonce, deux jours à l’avance, 15 centimètres de neige. On n’en dort pas. Est-ce qu’il va falloir partir pour le bureau plus tôt ? Et on fait quoi avec les enfants, si l’école est fermée ? On est full stressé.

Dans quel état serions-nous si, au lieu que ce soient des flocons qui tombent, c’étaient des bombes ?

Notre abri Tempo ne nous protégerait pas.

Un an. Rappelons-nous, le 24 février 2022, on était horrifiés. Jamais on n’aurait cru que Poutine allait oser attaquer.

Pourtant, c’était écrit dans le ciel, mais nous, on ne regarde pas dans les airs, on regarde notre cellulaire. La tête pliée et le cœur replié sur nous-mêmes. Sur TikTok, pas de tic-tac d’explosions à retardement.

Au déclenchement de l’invasion russe, on a vraiment eu peur. Peur pour les Ukrainiens, et aussi peur pour nous.

Chaque fois qu’un drame arrive, on compatit avec les victimes, on se met à leur place, et en se mettant à leur place, on a la chienne pour nous. Beaucoup. On est bouleversés en pensant à elles, mais surtout, en pensant à nous. On est remués quand on se met dans leur peau. On est catastrophés quand on met leur réalité dans la nôtre.

Alors qu’a-t-on fait ? On a regardé les émissions spéciales. On a accroché le drapeau bleu et jaune de l’Ukraine à notre photo de profil. On s’est mis à chanter Imagine there’s no Heaven. Et puis ?

Et puis on a fini par recommencer à regarder nos séries. On a fini par changer de toune et de photo de profil. On a fini par en revenir. À revenir chez nous. À nos petits problèmes. Le Canadien et le troisième lien.

On était tellement certains que le gros ours russe n’allait faire qu’une bouchée du petit poisson ukrainien, mais le petit poisson ne s’est pas laissé avaler. Ni en un mois, ni en deux, ni en six, ni en douze.

De semaine en semaine, ce conflit a donc cessé d’être la grosse nouvelle, pour devenir une habitude. Comme la météo et le sport. Presque un feuilleton comme STAT et Indéfendable. Bon, qu’est-ce qui s’est passé, aujourd’hui ? Qu’a fait le bon Zelensky ? Volodymyr est-il toujours habillé en vert ? Oui. On a même appris à écrire son prénom sans faire de fautes. Pas Vola, Volo. Et dymyr avec deux y, pas de i.

Et qu’a dit le méchant Vladimir Poutine ? Lui, on sait comment écrire son nom. Surtout son nom de famille. Quand son armée commet de nouvelles atrocités, plus atroces que les anciennes, ça revient dans les manchettes. Comme maintenant, parce qu’on souligne le premier anniversaire.

Les humains aiment beaucoup les anniversaires. Même ceux qui ne se célèbrent pas. Surtout pas. Pourtant, chaque jour de plus est un jour de trop. Chaque heure de plus, c’est autant de vies de moins.

Ça fait beaucoup de morts à qui trinquer. Ou pas. Il reste quand même un peuple à honorer. Un peuple qui survit à un an d’horreurs. Ça fait beaucoup de femmes, d’hommes et d’enfants d’honneur.

Et nous, que fait-on depuis an, à part en parler de moins en moins, sauf depuis quelques jours ?

On fait ce que l’on peut.

On peut bien s’en vouloir, mais notre cœur est ainsi fait, un malheur en chasse un autre. Sinon, il serait trop lourd et coulerait dans la rivière de nos larmes.

C’est l’anniversaire d’une guerre.

D’une guerre qui, pour certains, pourrait devenir la troisième Grande Guerre.

On risque de regretter de l’avoir un peu mise de côté.

Et nos gouvernements ? Eux aussi font ce qu’ils peuvent. Pour défendre l’Ukraine, sans tout faire sauter.

Godin, le caricaturiste du Devoir, a fait, vendredi, un dessin qui dit tout.

C’est Poutine assis à son interminable table. À l’autre bout, il y a le gâteau d’anniversaire, avec une chandelle allumée dessus. Le président russe souffle vers elle. Et bien sûr, il est trop loin et ne parvient pas à l’éteindre.

C’est triste. Mais c’est mieux ainsi.

Parce que son vœu ne serait pas le même que le nôtre.

À nous d’éteindre la chandelle, avant lui, nous qui sommes de l’autre côté.

Pour que la paix se réalise.

Y parviendrons-nous avant qu’il y en ait deux ?