Ayant passé le cap des 50 ans, il me semble que l’époque m’irrite de plus en plus.

Il y a quelques semaines, j’ai eu cette pensée furtive en lisant les propos d’une étudiante de l’UQAM1. Dans une dissertation, elle avait utilisé l’écriture inclusive, écrivant le mot supérieur.e, par exemple, selon les préceptes de ce mode de rédaction qui combat ouvertement la masculinisation du français.

L’écriture inclusive n’est ni obligatoire ni proscrite à l’UQAM, je le souligne. Donc, la jeune femme n’était pas en faute. Mais le chargé de cours qui a corrigé sa copie a critiqué son recours à l’écriture inclusive comme suit : « Bon travail dans l’ensemble, attention à la mise en forme et cessez l’écriture “inclusive”. »

Réaction de l’étudiante de l’UQAM devant ce commentaire (légitime, puisque l’écriture inclusive n’est pas obligatoire) : « J’ai trouvé ça super violent, comme réponse. »

Pas juste violent, non : super violent.

Mon bémol va sans doute me faire passer pour Staline (qui a tué 20 millions de ses citoyens) aux yeux de cette étudiante de l’UQAM, mais super violent, je trouve ça… exagéré.

Super violent, c’est autre chose. Super violent, c’est l’Ukraine, c’est se faire battre à coups de matraque, c’est se faire répéter dès son plus jeune âge qu’on est un bon à rien, c’est se faire menacer de mort, de viol, d’enlèvement.

Super violent, c’est une tentative de meurtre, de viol, d’enlèvement… 

Mais super violent, ce n’est très certainement pas « Cessez l’écriture inclusive »… Même à l’impératif.

Ce qui m’amène – je sais, c’est un détour bizarre, mais suivez le guide – à la fin de la tolérance chez Netflix pour le partage des mots de passe. Il faudra désormais payer 8 $ par mois pour pouvoir « partager » son compte Netflix. Fini le squattage. Netflix trouve que le partage lui coûte cher. Décision d’affaires.

Cette décision du géant de l’audiovisuel américain a fait couler beaucoup d’encre. Beaucoup de gens, semble-t-il, sont frustrés de cette décision qui limitera grosso modo à une maisonnée l’utilisation d’un compte… 

Mais si je me fie à un texte surréaliste publié lundi sur le site de Radio-Canada2, la décision de Netflix cause aussi beaucoup de tourments… psychologiques.

Le titre de l’article : « Comment aborder la fin du partage de son mot de passe Netflix avec ses proches ? »

Déjà, je pensais que c’était un texte d’un site satirique comme Le Revoir ou The Onion quand mon ami Dave-Éric Ouellet, alias MC Gilles, l’a mis sur mon radar.

Premier paragraphe : « Alors que Netflix met fin au partage de mots de passe, certains devront avoir des discussions difficiles avec des amis et des membres de la famille, dans un contexte d’inflation économique, pour décider s’ils paieront 8 $ par mois pour avoir une place supplémentaire sur le compte… »

Le texte pondu par le service anglais3 de Radio-Canada (et traduit en français) part de la prémisse que dire à des proches (amis ou famille) qu’ils devront s’abonner eux-mêmes à Netflix ou payer 8 $ par mois pour partager votre compte peut être une expérience traumatisante pour les parties impliquées.

La journaliste de la CBC cite en effet dans son texte une psychologue qui dit qu’en cabinet, l’épineux sujet de Netflix « revient souvent dans les séances »…

La psy, Mme Rupinder Sidhu, suggère aussi de se préparer des notes en amont de la rencontre. Elle a des conseils pour la personne recevant la mauvaise nouvelle : « Reconnaissez vos sentiments, voyez si vous pouvez y faire quelque chose, puis trouvez un moyen de surmonter la douleur. Vous pouvez faire une séance d’entraînement, écouter de la musique, faire quelque chose d’amusant qui va vous distraire afin que vous puissiez y revenir plus tard [dans un autre] état d’esprit. »

Personnellement, j’aurais suggéré de se livrer au plaisir solitaire, mes sources dans le milieu de la psychologie affirment que ça déstresse sur un moyen temps.

Mais attendez, ce n’est pas fini : l’article de Radio-Canada fait aussi intervenir une philosophe de l’Université de Colombie-Britannique, Willow Verkerk !

Une philosophe, spécialiste de l’amitié, oui, bien sûr, mais quand même une philosophe… 

(Conseil de pro : citer une philosophe, pour donner du sens à un sujet un peu vide, c’est toujours winner…)

Je cite le texte : « [Selon la philosophe], une bonne façon d’entamer la discussion serait de demander à la personne comment elle se sent à la lumière de l’augmentation des coûts dans le climat économique actuel. Il se peut qu’elle sache déjà que votre situation économique est difficile et elle aura la même compréhension que vous… »

J’ai lu ça avec la voix de Passe-Partout m’expliquant comment surmonter la mort de mon chat, en 1978.

Je me suis dit que je m’en viens vieux, certes, mais peut-être aussi que c’est l’époque qui a besoin d’une carapace.

1. Lisez « Des étudiantes de l’UQAM sommées de cesser l’usage de l’écriture inclusive » sur le site de Radio-Canada 2. Lisez « Comment aborder la fin du partage de son mot de passe Netflix avec ses proches ? » sur le site de Radio-Canada 3. Lisez « How to tell your Netflix password-sharing pals it's over » sur le site de Radio-Canada (en anglais)