Desjardins n’agit pas comme une organisation qui souhaite qu’un procès criminel aille de l’avant, dans le feuilleton de la colossale fuite de renseignements confidentiels de 2019.

On avait des raisons de le soupçonner dès le printemps 2020, quand deux médias – le 98,5 FM et La Presse – ont appris de source policière comment Desjardins multipliait les embûches dans le chemin des enquêteurs.

Desjardins se battait juridiquement pour que les enquêteurs n’aient pas accès à plusieurs documents qui, selon les policiers, pouvaient faire avancer l’enquête.

Desjardins limitait considérablement ce que les employés pouvaient dire à la police, ce qui n’aidait en rien les enquêteurs.

Motif officiel du Mouvement, pour expliquer ces embûches : protéger les informations confidentielles des membres et les informations commerciales cruciales pour Desjardins.

C’est un motif en apparence légitime… qui peut facilement passer pour un prétexte commode, pouvait-on se dire en lisant, au printemps 2020, les confidences de policiers interloqués par l’attitude de Desjardins.

En juin 2020, j’ai donc écrit une chronique sur les réticences de Desjardins à collaborer avec l’enquête de la police. J’y exprimais mon scepticisme sur la bonne foi de Desjardins devant la possibilité que les protagonistes de cette fuite – dont son ex-employé Sébastien Boulanger-Dorval, suspect numéro un de l’enquête – soient poursuivis au criminel.

Lisez le chronique « Desjardins, les bâtons dans les roues »

Dans un tel procès, les règles de divulgation de preuve et les témoignages sous serment d’employés et d’ex-employés – on peut penser à celui de l’ancien VP responsable des technologies de l’information, congédié six mois après la fuite – pourraient donner un portrait de la qualité des protocoles de sécurité informatique chez Desjardins.

Ou du manque de qualité dans lesdits protocoles.

Dans un tel procès, on pourrait apprendre quelles sont les failles internes de Desjardins qui ont permis que les données de millions de Québécois soient vendues à des peddlers de toutes sortes, aussi facilement qu’un vieux divan sur Kijiji.

Avancez le curseur au cœur du mois d’octobre 2021, et des documents judiciaires décaviardés lundi par le tribunal me confortent encore plus dans l’idée que Desjardins ne veut pas que ses secrets de famille soient déballés dans un procès criminel.

En mai 2019, la police de Laval enquêtait donc sur cette fuite de données. Sébastien Boulanger-Dorval est alors dans le viseur de l’enquêteur Patrick French. Le policier dit à Desjardins de ne pas agir de façon à alerter le suspect, qui ignore être dans le viseur de la police.

Qu’a fait Desjardins, après la mise en garde du policier ?

Desjardins a ignoré la mise en garde de la police et a fouillé le bureau de son employé Boulanger-Dorval, en plus de couper ses accès informatiques !

Cette information était connue depuis juin.

Lisez l’article de Vincent Larouche et Hugo Joncas

La nouveauté révélée lundi, c’est que se sachant désormais découvert, Sébastien Boulanger-Dorval a pu effacer des informations compromettantes de son ordinateur portable, selon la déclaration de l’enquêteur Patrick French.

Lisez « Le suspect principal a pu effacer de la preuve »

Bref, en alertant le suspect, contre les mises en garde répétées de la police, Desjardins a bel et bien nui à l’enquête criminelle lancée par la police de Laval.

Desjardins affirme avoir agi ainsi pour protéger ses membres…

Fort bien. Son explication est notée au procès-verbal.

Mais si on laisse la naïveté dans un coffre-fort pendant quelques instants, on peut aussi penser que Desjardins met des embûches dans le chemin des policiers, car un procès criminel explorerait fatalement ce qui a flanché chez Desjardins pour déboucher sur cette fuite sans équivalent dans le monde bancaire canadien…

Bref, ça pourrait être embarrassant pour Desjardins, qui n’a aucun intérêt à ce qu’un procès jette de la lumière sur ses protocoles de sécurité, avant la fuite.

Il ne faut pas être particulièrement parano pour penser cela.

Je le pense.

L’imprimante

Il y a quelques semaines, j’ai raconté aux lecteurs que deux médecins d’un CISSS attendaient depuis des mois une imprimante pour leur petit bureau, à l’hôpital.

Lisez la chronique « L’imprimante à 6000 $ de la DRILLL du CISSS »

Quand ils ont appris qu’une imprimante allait être enfin installée dans leur bureau, ils ont eu un choc en constatant le prix de l’objet : on allait leur envoyer la Ferrari des imprimantes, une machine avec scan et dotée d’encres en couleur…

Bref, contrat de cinq ans, entretien, garantie, etc. : 6000 $ !

Ils souhaitaient juste une petite imprimante pépère en noir et blanc du type qu’on achète pour 150 $ chez Bureau en gros.

Cette chronique a eu un immense retentissement, puisqu’elle racontait le côté dinosaure de la Machine de la Santé. Je suis heureux de rapporter qu’il y a quelques jours, les deux médecins ont enfin reçu leur imprimante, une modeste imprimante qui imprimera en noir et blanc et qui, c’est sûr, ne coûtera pas 6000 $ au Trésor public de la Nation.

Les deux docs sont arrivés un matin et l’imprimante tant attendue était là, dans leur bureau.

Il aura fallu des mois d’attente, des dizaines de courriels impliquant des dizaines de salariés de la fonction publique québécoise ET une chronique dans La Presse pour que deux médecins reçoivent enfin une imprimante…

Bonne chance au ministre Dubé, qui veut réformer la Machine de fond en comble pour des choses sacrément plus importantes et complexes que l’achat d’imprimantes.

Je suggère aussi d’allumer des lampions à l’oratoire Saint-Joseph.