Un congrès politique, c’est une occasion en or de tâter le pouls des militants. Et de tendre l’oreille aux discussions de corridor.

Ce qui se dit à l’extérieur de la salle est aussi intéressant – sinon plus – que ce qui se passe à l’intérieur.

Samedi, c’était le premier conseil général de la Coalition avenir Québec (CAQ) depuis que le Parti québécois l’a détrônée dans les intentions de vote. La question s’imposait : quelle est l’humeur des troupes après cette chute dans les sondages ?

Vérifions.

« Je suis désolé, mais je n’ai pas le droit de vous parler. »

Pardon ?

Le militant est mal à l’aise. Il demande que l’on taise son nom.

C’est d’accord, et alors ?

Le jeune homme, membre caquiste depuis quatre ans, sort son cellulaire. Il montre le message que lui et plusieurs autres ont reçu d’un responsable de la Commission de la relève de la CAQ, la commission-vedette de ce rendez-vous avec ses propositions sur les réseaux sociaux et les écrans.

« On a eu un mot d’ordre très clair », murmure-t-il.

C’est bien le cas. « Mot d’ordre : on ne parle pas aux médias ! », peut-on lire. Et « si un journaliste vous approche […], dites-le à un membre de l’exécutif ».

On poursuit : « IMPORTANT, faites attention à ce que vous dites dans la salle de conseil ou dans les corridors, des journalistes pourraient vous entendre. Regardez autour de vous avant de parler de sujets sensibles. »

De « sujets sensibles » ?

On ne parle pas de secrets nucléaires ici, quand même ! Je trouve ça important de répondre aux questions des journalistes. Vous avez un travail à faire. Vous voulez savoir quoi ?

Un militant caquiste ayant requis l’anonymat

La dégringolade de la CAQ dans les sondages et la position de tête du Parti québécois, c’est inquiétant ?

« François Legault avait demandé un mandat fort pour faire face à Ottawa. Et maintenant, je crois que beaucoup de personnes sont tannées que, peu importe ce qu’on demande à Ottawa pour faire respecter notre langue ou notre société distincte, on se fasse dire non. Le Parti québécois en profite et prend cette opportunité pour mettre de l’avant la souveraineté. »

« Je ne suis pas devin, mais ce qui est la force de la CAQ pourrait devenir une faiblesse, poursuit-il. La force, c’est de réunir les souverainistes et les fédéralistes pour le nationalisme. Mais la prochaine élection, ça risque d’être sur la souveraineté, et il va falloir qu’on se branche. Parce que lors d’un référendum, c’est oui ou c’est non. On ne peut pas être dans le milieu. Ça risque d’amener des déchirements entre les souverainistes et les fédéralistes. »

Pas de doute : c’est un sujet sensible à la CAQ !

François Legault, qui doit maintenir l’équilibre entre les deux courants au sein de son parti, a d’ailleurs dit ceci aux militants dans son discours de clôture : « Je sais qu’il y en a encore qui rêvent d’un référendum sur la souveraineté. C’est un projet noble, légitime. Mais c’est pas le temps de jouer aux dés avec l’avenir de notre nation. C’est pas le temps de diviser les Québécois sur un référendum sur la souveraineté. C’est le temps de rassembler les Québécois, et c’est ce qu’on fait à la CAQ. »

« L’heure est grave »

« Rassembler les Québécois », c’est ce que François Legault tente de faire face à Ottawa. Il est revenu à la charge pour exiger une baisse « significative » du nombre d’immigrants temporaires, qui mettent de la pression sur les services publics. Ils sont 560 000 à l’heure actuelle.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

François Legault, premier ministre du Québec, samedi

« J’ai besoin de l’appui des Québécois pour convaincre le gouvernement fédéral d’agir rapidement. […] Cet enjeu doit devenir une urgence pour les Québécois », car « l’heure est grave pour notre nation ».

Le 30 juin, François Legault rencontrera son homologue Justin Trudeau pour échanger sur le sujet. Il range sa menace de référendum sur le rapatriement à Québec des pleins pouvoirs en immigration s’il n’obtient pas gain de cause. « Même faire un référendum sectoriel, on sait déjà qu’il y a 65 % des Québécois qui seraient d’accord pour transférer les pouvoirs en immigration », a-t-il dit lors d’une mêlée de presse. « Ce que je souhaite, c’est qu’au cours des prochaines semaines et des prochains mois, c’est que ça devienne l’enjeu principal. » En particulier lors des prochaines élections fédérales, d’ici l’automne 2025.

Craint-il que Justin Trudeau ne lui donne pas satisfaction ? « J’ai toujours espoir que, dans la rencontre, on ait peut-être de bonnes nouvelles, mais pour l’instant […], il y a des comités qui se mettent en place, mais ça ne bouge pas. »

Paul St-Pierre Plamondon pourrait avoir du grain à moudre…

« Soyons patients »

Le chef péquiste était d’ailleurs au centre de plusieurs discussions de corridor.

« L’engouement pour lui, je trouve ça drôle ! », lance Anne Gadoury, militante dans Sanguinet. « Il a trois députés avec lui, il brasse des nuages, il parle d’indépendance dont personne ne veut et on le porte aux nues. J’ai été péquiste pendant 90 % de ma vie, mais ça ne m’intéresse plus. Il y a eu un engouement pour M. Legault et maintenant, c’est sûr que là, ça brasse pas mal, on perd un peu d’engouement, mais ça ne m’inquiète pas tellement. »

QS a ses problèmes, le Parti libéral a ses problèmes, donc ceux qui ont un certain questionnement sur la CAQ, ils se jettent sur le PQ. Est-ce qu’ils vont être désillusionnés ? La CAQ, c’est le parti qui est encore le mieux organisé. Et les élections [de 2026], c’est loin encore.

Paul MacNeil, militant caquiste dans Vimont

« La mission du PQ, c’est la souveraineté. Et les gens n’en veulent pas, de référendum. Ils vont réaliser que, finalement, ça donne quoi de voter pour un parti si tu ne votes pas pour sa mission ? », affirme Rémi Tondreau, de la circonscription de Bertrand.

« On ne va pas se cacher la tête dans le sable, notre parti politique […] traverse des moments plus difficiles », reconnaît la présidente du parti, Sarah Beaumier. Entre autres parce qu’il subit, comme d’autres gouvernements, le « contrecoup » d’un « contexte économique qui n’est pas évident », selon elle.

« Continuez de contribuer avec vos idées, vous êtes à la bonne place », a dit la présidente aux militants, comme si elle craignait des défections. « Au final, c’est le bilan des quatre années de travail qui va servir de preuve de la qualité du travail accompli. Soyons patients, soyons ensemble dans cette aventure », a-t-elle insisté.