Là, vous examinez sûrement la photo de l’enfant mi-humain, mi-cerf qui accompagne cette chronique et vous roulez des yeux : bon, une autre série bizarre avec des créatures qui gambadent dans un monde post-apocalyptique, c’est bien ça ? Merci, mais non, merci.

Avant de décrocher et de sauter aux sudokus, donnez-moi une chance de vous convaincre de regarder la télésérie Sweet Tooth de Netflix, offerte en français et en anglais. Oui, je vous l’accorde, c’est bizarre et complexe. Oui, c’est un concept flyé qui incorpore des éléments de The Walking Dead, d’Épidémie, de Mad Max, de Jojo Rabbit, de Bambi et du film A Quiet Place.

Oui, c’est une courtepointe qui paraît indigeste comme une pizza hawaïenne extra ananas. C’est tout ça, Sweet Tooth. Et au premier abord, ça ne donne pas super le goût de l’engloutir en deux soirées. Mais c’est très, très bon. Vraiment. J’ai glissé dans les huit épisodes d’une heure avec réticence pour finalement m’éprendre de cette histoire hyper originale, remplie d’humanité et difficile à résumer en quelques phrases.

En gros, Sweet Tooth, adaptée d’une bande dessinée de Jeff Lemire, est un conte dystopique qui se déroule dans une Amérique ravagée par un virus mortel, le très contagieux H5G9. C’est peut-être trop proche de la réalité pour certains téléspectateurs. Surtout quand les personnages enfilent leurs masques, se lavent les mains frénétiquement et craignent l’arrivée d’une énième vague meurtrière.

Cette pandémie, active depuis 10 ans, a vidé les villes, créé un chaos monstre et tué presque tous les Américains. Les rares survivants, comme dans The Walking Dead, vivent isolés ou en petites communautés coupées du reste du monde. L’internet ne fonctionne plus. Et comme dans La servante écarlate, le taux de fécondité a chuté de façon abrupte. En fait, les seuls bébés qui naissent depuis l’apparition du virus sont des hybrides : moitié humains, moitié animaux. Pourquoi ? Personne ne le sait avec certitude.

Sweet Tooth, Gus de son vrai nom, fait partie de ces enfants hybrides. Il a 10 ans et il est mi-cerf, mi-humain. OK, pause. Je vous sens ici « mi-tigés », mais n’abandonnez pas malgré cet aspect étrange. Donc, en pleine apocalypse, le père de Sweet Tooth l’a élevé dans le parc national de Yellowstone, à l’écart de ce qui reste de civilisation. Sweet Tooth n’a jamais vu ou connu d’autres personnes vivantes que son papa. Ce dernier lui a tout montré.

Quand le paternel meurt, zéro divulgâcheur ici, l’orphelin Sweet Tooth s’entête à retrouver sa mère, qui vivrait au Colorado. Il amorce donc sa quête dans un monde plein de dangers et d’inconnu.

L’espoir, l’enthousiasme et la naïveté de Sweet Tooth détonnent dans cet univers glauque et violent. C’est ce qui rend Sweet Tooth, une sorte de Petit Prince de Saint-Exupéry, si attachant. Ses oreilles poilues bougent contre son gré. Ses bois poussent à mesure qu’il grandit. Et son nez fin détecte toutes les odeurs suspectes.

Deux autres histoires plus dramatiques se greffent à celle de notre jeune héros atypique qui raffole du sirop d’érable, d’où son surnom de « Dent Sucrée ». Il y a celle d’un bon médecin qui tente de trouver un vaccin contre le virus pour maintenir en vie sa femme infectée.

Et il y a celle d’une thérapeute qui vit dans un zoo abandonné et qui recueille les enfants hybrides. Car, voyez-vous, une théorie « complotiste » circule, selon laquelle ces gamins spéciaux auraient causé l’apparition du virus H5G9. Une milice dangereuse les traque partout au pays, ce qui rendra périlleuse la mission de Sweet Tooth.

En route vers le Colorado, Sweet Tooth croisera des alliés, dont un ancien footballeur (et ex-mercenaire) géant, de même que plusieurs ennemis.

Le téléspectateur plonge alors un peu dans Willow, un peu dans Le magicien d’Oz, un peu dans Le seigneur des anneaux, un peu dans Peter Pan, le tout raconté par la voix grave de Josh Brolin.

Comme vous, en voyant les photos de cet enfant mi-humain, mi-cerf, j’avais autant le goût de regarder Sweet Tooth que de faire un marathon de Comment tu t’appelles ? À reculons, et en prévision d’une future chronique, soyons franc, j’ai déclenché le premier épisode, qui décolle lentement. Puis le deuxième, et le troisième, et le quatrième, et le cinquième, jusqu’à ce que j’atteigne le fond du sac de jujubes. Un gros sac, en plus, sans m’en rendre compte. Il n’y a pas que Sweet Tooth qui ait la dent sucrée pour un mélange sucré et suret de Sweet Sixteen !