Une main-d'oeuvre active qui diminue, des retraités plus nombreux qui vivent plus longtemps ainsi que les bas taux d'intérêt contribuent à la précarité financière des régimes de retraite. Cette crise des pensions ne se résorbera pas en lançant des propositions décousues, rapidement dégonflées par des groupes de pression à vocation souvent unidimensionnelle.

Ce mode de gouvernance publique est problématique car il y aura toujours un groupe d'intérêt s'opposant à un aspect particulier de propositions complexes. En conséquence, l'idée meurt ou le gouvernement agit à sa guise, sans réelle concertation.

L'exemple de Davos est éloquent. Le premier ministre Harper annonce qu'il se penchera sur la question du système fédéral de pensions. Les rumeurs démarrent. On pourrait hausser l'âge d'admissibilité aux prestations de la Sécurité de la vieillesse. L'opposition ainsi que des groupes de pression s'emparent du thème, mêlant Sécurité de la vieillesse (prestations universelles à partir de 65 ans) et Régime de pension du Canada (un régime obligatoire d'épargne pour les travailleurs hors-Québec).

On tire sur le ballon.

Le gouvernement ira probablement de l'avant, sans processus participatif, résultat d'une approche décousue et de levées de boucliers n'intégrant pas les volets économique et social.

Devant le même enjeu, le Royaume-Uni constitue, lui, un modèle en matière de politique publique ordonnée et participative. Premièrement, le gouvernement annonce qu'une réforme doit être et sera effectuée. Ensuite, on analyse une composante spécifique (par exemple, l'épargne en milieu de travail). Un comité reçoit subséquemment les propositions des différentes parties, avec échéancier. Un rapport est produit par un comité d'experts indépendants, puis le ministre des Pensions amène ces conclusions au Parlement. Des rondes successives se poursuivent jusqu'à une réforme complète qui deviendra loi avec une feuille de route pour sa mise en oeuvre.

Dans ce processus intégré, ouvert et concerté, le gouvernement britannique a pu obtenir l'appui des employeurs et des groupes de travailleurs. Transparence et facilité sous-tendent le processus car toutes les étapes et les documents sont publiés en temps réel sur le web (https://www.dwp.gov.uk/policy/pensions-reform). En comparaison, notre débat sur les pensions ressemble à la Ligue nationale d'improvisation.

La structure d'épargne automatique des Britanniques a en partie inspirée la proposition «4-2» du CIRANO. Constatant l'insuffisance du Régime des rentes du Québec pour la majorité des travailleurs envisageant leur retraite, nous proposons que les employeurs n'offrant pas de régime de retraite inscrivent automatiquement leurs employés à un régime d'épargne (4% d'épargne pour l'employé, et 2% pour l'employeur). Les employés pourront se retirer volontairement, mais perdront la contribution de l'employeur.

Notre proposition, en plus de souhaiter une approche de concertation ordonnée, vise un nouveau partenariat entre les parties: le gouvernement en consultant et en établissant cette structure d'épargne; les travailleurs en épargnant davantage; et les entreprises actuellement sans régime en inscrivant leurs employés et en contribuant à leur épargne-retraite.

Dès cette mesure mentionnée dans les médias, une association d'entreprises a cherché à la dégonfler et l'histoire pourrait simplement se terminer là. Toutefois, il faut bien voir qu'il ne s'agit que d'un seul aspect d'une proposition plus complexe qui présente des solutions concrètes pour les 75% de travailleurs du secteur privé n'ayant pas de régime de retraite avec leur employeur.

L'évolution de politiques publiques et de choix sociaux reposant sur des lancers et des chasses aux ballons d'essai escamote souvent les faits et contribue au surplace. Le résultat: souvent de timides micro-mesures apportées en doses homéopathiques, les preneurs de décisions n'ayant pas la légitimité d'agir promptement et résolument. Pourtant, ils doivent le faire, même dans les situations les plus sensibles, qui sont souvent les plus cruciales.