Je terminerai bientôt mes études universitaires et je ne serai donc pas affecté par la hausse des droits de scolarité de 1625$ sur cinq ans annoncée par le gouvernement du Québec. Je fais un doctorat en physique et je n'ai aucun doute que je me trouverai un emploi bien rémunéré qui me permettra de rembourser rapidement mes quelques milliers de dollars de dette. J'ai la chance d'avoir été boursier pour la maîtrise et le doctorat, et d'avoir fait des stages rémunérés pendant le bac. Je m'en suis donc bien sorti malgré le fait que je n'étais pas éligible au programme d'aide financière aux études, aussi généreux soit-il.

Mais si les droits de scolarité avaient été de 4000$ par année, il n'est pas sûr que j'aurais fait les mêmes choix. La perspective d'entreprendre un programme d'étude dont on ne connaît pas l'issue peut être angoissante. J'ai aussi eu la chance d'avoir des parents qui ont étudié à l'université. Aurais-je choisi d'étudier en histoire ou en kinésiologie, je savais qu'ils m'auraient soutenu. Je savais qu'ils m'appuieraient si je devais me retrouver en difficulté, ce qui n'est assurément pas le cas pour tout le monde.

Dans les prochaines années, mon revenu augmentera significativement et je devrai payer de l'impôt, beaucoup d'impôt, diront certains. La hausse des droits de scolarité est l'équivalent d'une baisse d'impôts pour moi, puisque je n'aurai pas à payer pour l'éducation des prochaines cohortes. Pourtant, je suis farouchement opposé à la hausse des droits de scolarité et je descendrai dans la rue pour le faire savoir à nos décideurs.

Chacun a droit à son opinion. Certains sont pour, d'autres sont contre, mais tous ont le droit de s'exprimer librement. Cependant, j'ai été estomaqué à plus d'une reprise par l'étroitesse d'esprit et le manque de profondeur de plusieurs arguments des «pour».

Un exemple parmi tant d'autres: il faut que les étudiants fassent leur juste part. Servi à toutes les sauces et sans démonstration, ce cliché prend pour acquis que les étudiants ne font pas leur juste part sous prétexte que les droits de scolarité sont plus faibles au Québec qu'ailleurs au Canada. Il sous-entend également une notion de juste part floue et arbitraire.

Et si on décidait, au Québec, de s'offrir une population instruite, composée d'ingénieurs et de médecins provenant de toutes les couches de la société, mais également de biologistes, de sociologues, de philosophes, de musiciens, des formations beaucoup moins intéressantes parce que moins rentables pour un jeune qui veut faire un investissement dans son avenir? Personnellement, je serais heureux de payer plus d'impôts si cela peut rendre l'éducation supérieure plus accessible, voire gratuite.

Que ferai-je, moi, si elle se poursuit, cette dérive nombriliste et mercantile à tendance démagogique du Québec? Pendant que Justin Trudeau se battra jusqu'à son dernier souffle pour son Canada, je ferai de même pour défendre mes convictions et mes valeurs, pour léguer à mes enfants le Québec que j'espère.