La CAQ veut ouvrir l'entente avec les médecins omnipraticiens dans la foulée de réformes qu'elle propose pour résoudre les problèmes du réseau de la santé. François Legault a correctement diagnostiqué un des principaux maux du réseau: quelque 25% de Québécois se trouvent sans médecin de famille.

Les complications de ce déficit sont nombreuses: manque de prévention, manque d'examens périodiques, manque de coordination entre les divers spécialistes responsables des problèmes spécifiques du patient, désarroi des personnes qui ne savent pas où se tourner en cas d'ennui de santé.

La simple comptabilité semble indiquer qu'il y a suffisamment d'omnipraticiens au Québec pour offrir un médecin de famille à tous. Avec 8000 omnipraticiens et 8 millions d'habitants, il suffirait que chaque généraliste prenne en charge 1000 personnes et voilà! tout le monde est servi.

Mais c'est une évaluation trop simpliste. Elle occulte le fait que les généralistes ne travaillent pas de manière uniforme. L'obligation pour les jeunes médecins de travailler dans les hôpitaux a détourné les finissants de la pratique en cabinet, où se pratique la grande part de la médecine générale. De nombreux omnipraticiens se sont tournés vers un créneau particulier: l'obstétrique, le traitement des toxicomanies, la pratique aux urgences, etc.

On pourrait parfois remplacer les généralistes par les infirmières pour certains actes dans les cliniques, comme la vaccination ou la surveillance de la tension artérielle. Il sera difficile de les remplacer aux urgences ou dans les unités d'hospitalisation. Va-t-on demander à un médecin qui a dédié des décennies à l'obstétrique de se tourner du jour au lendemain vers une pratique générale qui comporte des problèmes très divers? C'est méconnaître la compétence particulière du médecin généraliste que de s'imaginer que n'importe quel médecin puisse jouer ce rôle efficacement et à l'improviste.

C'est ce que semble proposer la CAQ. Si certains médecins ne pourront prendre en charge 1000 patients parce ce qu'ils sont occupés à d'autres tâches, d'autres en traitent déjà davantage.

Ainsi, il serait pertinent d'évaluer la situation actuelle dans les CLSC, les Groupes de médecine familiale et les cabinets. Il serait également opportun de mesurer la pratique actuelle des généralistes en examinant leur facturation. Pour ceux dont la charge de travail semble insuffisante, il faudrait en déceler les raisons.

La CAQ va rater son but si elle procède sans discernement. Ses actions seront perçues comme injustes et punitives. Peut-être les Québécois posséderont-ils un médecin de famille sur papier, mais rien n'en garantira la qualité.

La CAQ propose que les cliniques médicales soient ouvertes 24h sur 24, sept jours par semaine. Cela engendrerait des coûts importants et superflus. En réalité, il suffirait qu'une clinique sans rendez-vous soit ouverte dans chaque région pour répondre aux besoins urgents la nuit et les fins de semaine. Il n'est pas vrai que le médecin qui rencontre le patient pour un mal d'oreille un samedi après-midi doit tout savoir sur lui et posséder le dossier médical complet. Par ailleurs, il serait mal avisé qu'une personne aille à «sa» clinique en plein milieu de la nuit si elle présente une douleur aiguë à la poitrine. Les urgences des hôpitaux seront encore là.

Il n'est pas nécessaire de mettre la pratique des généralistes à l'envers. Cela peut même s'avérer contre-productif. Il n'est pas vrai que tout va mal et qu'il faut administrer un remède de cheval. Il convient de regarder ce qui se fait déjà bien, quelles stratégies fonctionnent et les appliquer avec discernement. En fait, laisser de côté la simple comptabilité et tenir compte de la complexité de la médecine générale. Ce que la CAQ semble négliger.