Alors que tous les yeux sont rivés sur la crise européenne, les soubresauts des principales places boursières et le ralentissement économique mondial, des drames planétaires sont occultés. Celui de la faim dans le monde compte parmi ceux-là.

Aujourd'hui encore, 1 milliard d'individus en souffrent, essentiellement en Asie, dans le Pacifique et en Afrique. Un milliard de personnes affamées, c'est 1000 millions de drames humains en lot quotidien. Depuis 1995, la proportion d'individus affamés stagne entre 13% et 15% et semble scellée dans cette fourchette.

On est loin des «objectifs du millénaire pour le développement» de l'Organisation des Nations unies suivant lesquels tous les leaders du monde se sont engagés il y a 10 ans à réduire de moitié, d'ici à 2015, la proportion de la population qui souffre de la faim. Au rythme où vont les choses sur le plan politique, et considérant la vitesse galopante de la démographie planétaire, on risque à ce moment d'être loin du compte.

Sur le plan politique d'abord. Il y a deux ans, les pays du G8 ont pris l'engagement de verser 22 milliards sur trois ans pour le développement de l'agriculture vivrière dans les pays les plus démunis afin d'assurer leur sécurité alimentaire. Malgré l'urgence et le fait que la situation se soit dégradée pour plusieurs, souvent à cause des nombreux conflits internes qui perdurent ou de gouvernance douteuse par des dirigeants fantoches, les pays du G8 n'ont versé jusqu'à présent que 20% des sommes. Et c'est là également que la volonté politique des grandes nations de ce monde fait défaut en permettant que les populations de ces pays soient prises en otage par des seigneurs de la guerre ou des despotes.

Les subventions agricoles excessives versées par les gouvernements européens et américains, et la spéculation sur les marchés à terme des denrées de base jouent également en défaveur de la stabilité des prix alimentaires et agissent comme autant de freins au développement de l'agriculture paysanne dans les pays en développement et de l'agriculture «ordonnée» comme nous la pratiquons au Québec.

De surcroît, ces subventions excessives créent à l'occasion des surplus qu'on déverse dans les pays les plus pauvres, sous prétexte d'aide alimentaire, en tuant littéralement l'agriculture locale. Là aussi, la volonté politique des gouvernements des pays industrialisés fait défaut.

Enfin, en ne s'attaquant pas de toute urgence et avec des moyens consistants aux changements climatiques, les gouvernements des pays industrialisés, et maintenant ceux des pays émergents, contribuent à détruire des capacités agricoles productives.

Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, les deux tiers des terres arables de l'Afrique seront perdues dans 15 ans, à cause des changements climatiques. Des superficies fertiles sacrifiées qui ne pourront contribuer à réduire la faim aujourd'hui sur ce continent et dans le monde, ni demain.

Et demain sera fait de plus grands défis encore pour nourrir la planète. Car pour répondre à l'augmentation des besoins mondiaux d'ici à 2050, il faudra trouver les moyens d'augmenter la production alimentaire durable de 70%. L'expression «or vert», pour désigner l'agriculture, prend ici tout son sens d'où l'importance d'en valoriser les artisans, c'est-à-dire les agriculteurs et agricultrices d'ici et d'ailleurs, attirer et assurer la relève et protéger les terres arables comme la prunelle de nos yeux.

Les solutions à la faim dans le monde existent, mais des correctifs dans la gouvernance internationale des grands de ce monde, le respect de leurs engagements et une réelle volonté politique d'améliorer substantiellement les choses s'imposent. En cette période propice aux souhaits et résolutions de toutes sortes, il nous reste à espérer que 2012 sera une bien meilleure année à tous ces égards.