La poste traditionnelle est un anachronisme. Mettre une feuille dans une enveloppe, y apposer un timbre et la déposer dans une boite aux lettres de sorte qu'elle soit livrée est clairement d'une autre époque.

La poste traditionnelle est un anachronisme. Mettre une feuille dans une enveloppe, y apposer un timbre et la déposer dans une boite aux lettres de sorte qu'elle soit livrée est clairement d'une autre époque.

D'une autre époque, d'abord, pour Postes Canada elle-même. Pour 59¢, livrer une enveloppe n'importe où au Canada, que ce soit de l'autre côté de la rue ou au fin fond du Yukon, n'a aucun sens économiquement et ne reflète pas du tout la valeur du service rendu.

Ensuite, et surtout, d'une autre époque pour la majorité des utilisateurs. Est-il raisonnable, économiquement comme d'un point de vue de développement durable, pour un destinataire comme Hydro-Québec ou pour votre banque de produire un relevé de compte ou une lettre sur un système informatique, de l'imprimer, de l'insérer dans une enveloppe, d'en payer l'acheminement et de fournir l'espace requis pour l'entreposage temporaire - jusqu'à ce que la poste passe récupérer le tout - alors que le même système informatique aurait pu envoyer le tout directement de manière électronique? Pour plusieurs destinataires, entreprises et individus, recevoir une version papier de leur correspondance n'a plus beaucoup de sens. Le document prend souvent la voie du bac à recyclage.

Alors pourquoi Postes Canada survit-elle et, même, prospère? D'abord, elle prospère non pas avec le courrier traditionnel, mais grâce aux colis et au publipostage. On n'a jamais autant acheté par internet, ce qui se traduit nécessairement en activité additionnelle pour Postes Canada (mais aussi ses concurrents privés comme UPS ou FedEx). Puis la poste a raffiné son offre aux entreprises de sorte que si vous vendez des produits ethniques pakistanais, la société peut vous aider à déterminer dans quels codes postaux au Canada se trouve une concentration suffisante de Pakistanais pour qu'il vaille la peine d'y faire un envoi massif de feuillets publicitaires.

Le courrier traditionnel, lui, a décliné de 17% au cours des cinq dernières années, alors que 200 000 nouvelles adresses s'ajoutent chaque année. Pas surprenant alors que le Canada soit le chef de file du G7 en termes de pénétration d'internet haute vitesse, avec environ 85% des ménages. Non seulement la rapidité d'accès est désormais en place, la confiance de la population à l'égard du web est aussi acquise, la présence de grandes marques internet bien connues renforçant la crédibilité de ce moyen de communication: si de grandes entreprises comme Amazon ou Google peuvent y faire des milliards de revenus, ce doit être fiable!

Qu'est-ce qui retient les gens d'adopter davantage internet pour l'acheminement de ce qui se retrouve toujours actuellement dans leur boite aux lettres? L'inertie, tout simplement. Si ce n'est pas brisé, pourquoi le réparer, comme on dit. Mais si le conflit de travail devait prendre de l'ampleur et se prolonger, la population mettra peu de temps à changer ses habitudes.

Des voies de solution dans tout ça? Oui: se lancer dans les solutions technologiques avant que d'autres ne le fassent. Par exemple, la poste finlandaise conserve une copie numérique des courriers qu'elle achemine pour une période de sept ans. La poste suisse permet aux usagers de déterminer s'ils souhaitent recevoir leur courrier en format papier ou en format électronique, par courriel. Elle permet même de choisir de ne pas recevoir de courrier publicitaire. La poste suédoise offre un service permettant de transformer une photo prise avec un téléphone cellulaire en carte postale et lancera sous peu un service permettant de poster des lettres sans timbres; il faudra simplement aller sur internet récupérer un code unique à inscrire sur l'enveloppe...

Bref, le conflit de travail 2011 à Poste Canada ne fera peut-être qu'accélérer un déclin et des changements qui en feront une entreprise bien différente.