J'ai écouté avec intérêt l'annonce par le premier ministre Jean Charest du démarrage du Plan Nord. Et j'ai été renversé par la bêtise des commentaires que j'ai entendus et lus (sauf de la part d'André Pratte, Alain Dubuc et François Cardinal, entre autres).

J'ai écouté avec intérêt l'annonce par le premier ministre Jean Charest du démarrage du Plan Nord. Et j'ai été renversé par la bêtise des commentaires que j'ai entendus et lus (sauf de la part d'André Pratte, Alain Dubuc et François Cardinal, entre autres).

On nous présente là un authentique projet de société, plus important même pour le Québec que la Révolution tranquille, dont il est néanmoins issu.

Le Plan Nord, c'est:

• l'occupation de tout notre territoire nordique, avant que quelqu'un ne vienne le revendiquer de l'extérieur, comme ce fut le cas lorsque le gouvernement canadien dépeça le Québec en 1948 pour offrir une dote à Terre-Neuve afin qu'elle se marie à la fédération canadienne;

• la perspective d'unir enfin au Québec et au monde moderne, les Premières-Nations qui occupent ce territoire, et dont les jeunes générations ont besoin de travailler et de participer au monde actuel;

• les immenses possibilités économiques que recèle ce territoire équivalant à près de 70% du territoire québécois, non seulement en matière d'exploitation minière et énergétique, mais aussi au plan touristique (personne n'a-t-il donc saisi que malgré les pisse-vinaigres comme Hervé Kemp, ce territoire attirera des milliers de visiteurs, Français pour une bonne part, en quête de découverte et d'aventures?);

• la recréation du Québec des prochains siècles.

On nous présente un projet de société riche et puissant, et tout ce que les gens (y compris les médias) trouvent à faire (la palme revient à Amir Khadir, en matière de pusillanimité), c'est d'ergoter sur des calculs misérables quant à ce que «nous obtiendrons comme retour sur l'investissement». C'est lamentable!

Le retour sur l'investissement à court terme, c'est insignifiant. Construire des routes pour rendre ce territoire accessible: relier les communautés autochtones au reste du Québec, exploiter ses ressources dans le respect des Premières Nations et de l'environnement, occuper le territoire, cela mérite des investissements considérables. Inutile d'ergoter sur les millions de retombées à court terme que nous en tirerons.

L'attitude péniblement comptable des analystes est une répétition des discussions sur l'occupation du Canada («quelques arpents de neige») qui amena la France de Louis XIV à brader sa présence américaine.

C'est comme si on vous donnait un dîner gratuit pour quatre personnes au Toqué ou chez Laurie Raphaël (vins compris) et que les commentaires des invités chanceux portaient sur la difficulté de garer sa voiture, laissant de côté la qualité d'un merveilleux repas!

Étant Québécois, nationaliste et ouvert à l'endroit des Premières Nations, je trouve ces réactions peu intelligentes, peu éclairées et absolument pusillanimes.

Quand, il y a trois ou quatre ans, le Plan Nord a été annoncé, les médias et les partis de l'opposition ont dit que c'était une coquille vide.

Il n'en était rien. Mais la mise en oeuvre de ce vaste projet de société nécessite que l'on en vienne à s'assurer l'appui des Premières Nations, que l'on étudie le potentiel économique du territoire, et que l'on acquière une connaissance des immenses territoires qui seront exclus de toute exploitation industrielle.

Les environnementalistes, avec leur habituelle attitude négative, ne devraient pas s'exclure des discussions (longues et substantielles) qui entourent ce projet, pas plus que les Premières Nations, qui ont avantage à négocier des conditions propres à protéger leurs droits ancestraux, tout en permettant à leurs jeunes générations de se donner des occasions de travailler, prospérer et évoluer selon leurs désirs.

Je suis, enfin, convaincu que le premier ministre du Québec, en poursuivant ce projet porteur et enthousiasmant, ne vise pas à «redorer son blason». À la limite, il s'en fout. La seule chose qui puisse l'intéresser, si jamais il remportait un troisième mandat, c'est de s'assurer que cet immense projet ne déraille pas.

Je suis désolé des réactions mesquines et peu intelligentes de ceux qui tentent de réduire ce projet à une question de «retour sur l'investissement». Les retombées seront aussi immenses que ne l'aurait été pour la France d'autrefois le contrôle de l'Amérique du Nord.

Et je suis heureux qu'une partie de mes impôts serve à ouvrir des routes qui feront en sorte que ce territoire immense et magnifique fasse enfin partie du Québec.

* L'auteur a été annonceur à Radio-Canada, journaliste au Devoir, cofondateur et éditeur adjoint du journal Finance et président de Communications Marsy et Allcom.