Ce texte, je l'écris pour moi. Pour me libérer. Pour exorciser les images qui m'assaillent depuis les derniers jours. Toutes ces images, ces détails, ces témoignages, tous issus des abîmes les plus profonds de l'âme humaine.  

Ce texte, je l'écris pour moi. Pour me libérer. Pour exorciser les images qui m'assaillent depuis les derniers jours. Toutes ces images, ces détails, ces témoignages, tous issus des abîmes les plus profonds de l'âme humaine.  

Je parle ici du procès de Guy Turcotte, accusé d'avoir tué ses enfants. Depuis quelques jours, j'entends et je lis, un peu partout, qu'il est important de diffuser ces images, ces récits de l'horreur, cette immense détresse humaine; que c'est le devoir des médias de rapporter ces nouvelles, malgré la gravité de ces dernières! Même que cette semaine, les diffuseurs télé et les journaux ajoutent à leur propos des mentions «d'avertissement» ayant pour but de prévenir le public du caractère dérangeant de certaines informations. Comme tout message avant le visionnement d'un film violent.  

Sauf qu'ici, il ne s'agit pas de fiction, mais de réel.  

Dopé à la sensation, accroc au voyeurisme, le public apparaît comme une bête insatiable, incapable de se contenter de quelques faits de base. Toujours plus. Plus d'images de poignées de porte maculées de sang. Plus de courriels très intimes d'une relation en déclin. Plus de phrases prononcées par les jeunes victimes avant leur mort.  

Avant le professionnalisme, l'éthique, il y a le respect. Respect des familles qui vivent un drame continuel depuis plus de deux ans. Doit-on tout savoir? En quoi être plus «informés» fait de nous de meilleures personnes? Pour dire vrai, l'omniprésence de ce procès, son hypermédiatisation, me fait craindre le pire quant à la condition humaine: notre soif de détails dépasse notre compassion. Et surtout, nous questionnons beaucoup le pourquoi. Pourquoi cet homme a-t-il commis un tel geste? Même les psychiatres sont consternés devant un tel cas.  

Je suis convaincu que je ne suis pas le seul père, le seul homme qui jongle avec cette triste histoire. Malgré des efforts plus que louables, il m'est impossible de comprendre cette tragédie. Et quand l'homme se trouve devant tant d'inconnu, il cherche des coupables, échafaude des théories, se lance dans un vulgaire potinage de faits divers. Il s'étourdit. Peut-être pour se donner un peu de contenance, peut-être pour éviter le vertige.  

Le cas du Dr Turcotte en est un fort complexe, qui dépasse largement mes compétences. Je suis le père de deux jeunes enfants, un garçon et une fille, alors inutile de vous expliquer combien je fais de la projection, combien ma tête et mon coeur se tordent, se braquent devant tant de violence, d'absurdité, de profond désespoir.  

Certains avancent l'idée que ce type d'individu, plus fragile, doit demander de l'aide lorsque sa vie déraille. Mais c'est précisément ce type d'individu qui n'en demande pas.

Le cliché est d'usage: les hommes parlent peu de leurs émotions. Beaucoup trop se suicident, d'autres acceptent mal la fin d'une relation.  

À mon sens, pour sauver les hommes d'eux-mêmes, il faut arrêter d'attendre que de telles catastrophes se produisent. En tant que parent, mais surtout en tant qu'être humain, nous devons inculquer à nos garçons une meilleure estime d'eux-mêmes. Pas au niveau académique ou sportif, mais au niveau des sentiments. Il faut les faire parler de ce qu'ils ressentent, les laisser pleurer, ne pas les juger, et leur faire comprendre que l'amour d'une femme est une chose formidable, mais qu'ils demeurent des êtres à part entière quand celui-ci disparaît.  

Alors au lieu d'écouter la télé nous raconter les horreurs sur lesquelles nous n'avons aucune emprise, prenons quelques minutes pour leur montrer que parler de ses émotions, c'est aussi un truc de gars.