J'ai lu récemment dans les journaux que vous avez déclaré que «si les patients ont du mal à trouver un médecin de famille, c'est que ceux-ci ne travaillent pas assez». Vous avez aussi affirmé que «les médecins de famille sont en mode qualité de vie» puisque «la moitié de leur cohorte travaille à temps partiel».

J'ai lu récemment dans les journaux que vous avez déclaré que «si les patients ont du mal à trouver un médecin de famille, c'est que ceux-ci ne travaillent pas assez». Vous avez aussi affirmé que «les médecins de famille sont en mode qualité de vie» puisque «la moitié de leur cohorte travaille à temps partiel».

Selon vous, le nombre de médecins de famille serait adéquat au Québec, mais le problème se situerait au niveau de leur investissement en temps. Pour régler le problème, vous avancez que le gouvernement devrait se faire un devoir d'obliger les médecins de famille de moins de 50 ans à travailler à temps plein!

Quelle honte! Sur quelle planète vivez-vous donc?

Vous semblez encore ignorer que la féminisation de la main-d'oeuvre est une réalité en médecine comme dans la majorité des professions, et plus particulièrement chez les médecins de famille. Selon un rapport de l'Institut canadien d'information sur la santé paru en décembre 2010, 65% des médecins étaient des femmes chez les moins de 35 ans au Québec en 2009. Dans le groupe des 35 à 54 ans, cette proportion était de 50%, alors qu'elle était 20% chez les 55 ans et plus. Ce phénomène n'est appelé qu'à augmenter, étant donné le grand pourcentage de filles dans les facultés de médecine.

Or, ces femmes qui pratiquent dans notre beau système médical québécois ne sont pas si différentes des autres femmes (heureusement!), et un grand nombre de celles-ci, lorsqu'elles en ont l'occasion dans leur milieu de travail, choisissent l'option tout à fait naturelle de l'équilibre entre le travail et la famille.

Ces jeunes médecins de famille que vous visez en déplorant leur nombre d'heures de travail réduit sont en grande partie des femmes, qui ne sont pas qu'en mode qualité de vie pour se la couler douce, parcourir les océans en voilier ou s'entraîner pour participer à des concours de body-building, ou encore se faire dorloter dans les spas et les instituts de beauté, mais bien pour se consacrer de façon convenable et responsable à leurs enfants, qui ont les mêmes droits et les mêmes besoins que les enfants de mamans non-médecins!

Personnellement, j'applaudis les multiples milieux de travail en médecine familiale qui sont favorables aux adaptations de charge et d'horaire de travail permettant aux jeunes (et aussi aux moins jeunes) mamans (à l'occasion aussi aux papas) de s'occuper de leur famille. Ce qui est malheureusement encore bien déficient dans plusieurs spécialités médicales ou chirurgicales, comme la mienne par exemple.

Toutefois, il ne faudrait surtout pas vous méprendre, Dr Barrette, car bien que cette réalité progresse à un rythme plus lent en spécialité, elle est aussi à votre porte.

Le jour venu, où elle pénétrera votre forteresse, la solution ne sera pas de vous ingérer (ou de demander au gouvernement de le faire) dans le nombre d'heures de travail des «jeunes spécialistes» de moins de 50 ans. Ça ne passera tout simplement pas, car c'est à l'encontre du gros bon sens et des valeurs humaines de plusieurs jeunes médecins. Il faut arrêter de voir la pratique médicale comme il y a 20-30 ans.

Des solutions simples ont déjà été éprouvées ailleurs, mais le Québec tarde souvent à les intégrer dans son réseau, comme l'embauche d'un plus grand nombre d'infirmières praticiennes, autant en première ligne qu'en spécialité. Un plus grand recours à ces super infirmières permettrait d'alléger la tâche des médecins et augmenterait leur efficacité.

* L'auteure est cardiologue à l'Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.