Depuis le jugement du Tribunal des droits de la personne dans l'affaire de la prière et du crucifix à Ville de Saguenay, certains parlent de «méli-mélo» et «d'incohérence». Cette situation n'est pas sans rapport avec la croisade que poursuit sur toutes les tribunes le Mouvement laïque québécois pour la laïcisation intégrale de la société.

Depuis le jugement du Tribunal des droits de la personne dans l'affaire de la prière et du crucifix à Ville de Saguenay, certains parlent de «méli-mélo» et «d'incohérence». Cette situation n'est pas sans rapport avec la croisade que poursuit sur toutes les tribunes le Mouvement laïque québécois pour la laïcisation intégrale de la société.

Au moment où le tribunal interdit la prière et le crucifix à l'hôtel de ville, afin de respecter la liberté de conscience des non-croyants, l'Assemblée nationale interdit le port du kirpan, restreignant ainsi la liberté religieuse des sikhs fondamentalistes. Mais le gouvernement maintient le crucifix en évidence au Salon bleu, décision votée à l'unanimité en 2008.

Pour la députée péquiste Louise Beaudoin, c'est la neutralité de l'État qui impose cette interdiction du kirpan. Pour les libéraux, cette limitation à la liberté religieuse se justifie pour des raisons de sécurité. Pour le tribunal, c'est le principe de neutralité des institutions publiques qui fonde l'interdiction de la prière et du crucifix, de même que la nécessaire protection de la liberté de conscience des non-croyants.

Le tribunal rappelle la jurisprudence de la Cour suprême pour qui la neutralité de l'État, qui découle de la protection de la liberté de conscience et de religion, signifie que l'État ne doit imposer aucune «contrainte». Il est question de «toute forme de coercition». L'État ne doit pas « astreindre l'ensemble de la population à un idéal sectaire chrétien». Le terme contrainte est utilisé des dizaines de fois dans cette jurisprudence. Le tribunal québécois en déduit que l'autorité étatique «ne peut, en raison de sa nature collective, instrumentaliser le pouvoir qu'elle exerce afin de promouvoir les croyances religieuses personnelles des individus qui exercent des fonctions politiques sans porter atteinte de façon plus que négligeable ou insignifiante au droit au libre exercice de la croyance religieuse ou de sa conscience».

Il y aurait de plus discrimination notamment à l'égard des non-croyants parce qu'il s'agit de «la manifestation d'une expression religieuse qui n'est pas conforme à ses convictions de non-croyant». Selon le tribunal, l'État ne peut privilégier en même temps les croyants et les non-croyants. Mais pourquoi doit-il plutôt protéger ces derniers au détriment des croyants?

L'erreur du tribunal et du Mouvement laïque est de considérer la neutralité de l'État et des institutions publiques comme un absolu. Or cette neutralité est toute relative ; tout comme la laïcité, elle ne se vit pas dans l'abstrait. Elle s'insère dans une culture, des traditions, un vécu. Le Québec est un pays de tradition chrétienne et non voltairienne!

D'autre part, comment accepter sans sourire (c'est un euphémisme) que la présence d'un crucifix sur un mur de l'hôtel de ville ou de l'Assemblée nationale constitue pour les non-croyants une contrainte excessive, qui crée un malaise insupportable: «un grand malaise... son grand inconfort». On pourrait dire la même chose de tout ce qu'on trouve dans le domaine ou l'espace public: croix du mont Royal, clocher des églises, temples et mosquées, messe du dimanche à la SRC, concert de musique sacrée. En quoi cela constituerait-il «l'imposition d'un conformisme en matière religieuse», en quoi cela constitue-t-il pour l'État «une volonté de promouvoir une ou des croyances religieuses»? On n'a jamais fait la preuve que les citoyens de Ville de Saguenay ou de Laval étaient obligés de participer à la prière, ou de regarder le crucifix ou la statue du Sacré-Coeur!

Les membres de l'Assemblée nationale, à l'unanimité, auraient-ils voulu nous endoctriner? Ou tout simplement reconnaître l'importance de la tradition chrétienne au Québec, dont le crucifix est le symbole... depuis 1608!