La nomination de Lucien Bouchard à la tête de l'Association pétrolière et gazière du Québec et celle de Diane Lemieux à la Commission de la construction du Québec (CCQ) ont fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours.

La nomination de Lucien Bouchard à la tête de l'Association pétrolière et gazière du Québec et celle de Diane Lemieux à la Commission de la construction du Québec (CCQ) ont fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours.

Lucien Bouchard a quitté ses fonctions de premier ministre il y a une dizaine d'années. Il a parfaitement le droit de gagner sa vie comme il l'entend et de servir les causes qui l'intéressent. L'industrie ne pouvait pas trouver meilleur interlocuteur pour calmer la grogne dans l'épineux dossier des gaz de schiste.

Le risque toutefois, c'est qu'elle ne se serve désormais de l'aura de Lucien Bouchard, de son autorité et de son charisme pour nous faire avaler des couleuvres, pour nous faire accepter n'importe quoi comme une vérité.

À compter de maintenant, lorsque M. Bouchard s'exprimera sur le dossier énergétique, il ne faudra jamais perdre de vue que ce n'est pas l'ex-premier ministre qui parle, mais plutôt le nouveau lobbyiste et porte-parole de l'industrie.

Cela ne veut pas dire qu'il n'aura pas l'intérêt de la population québécoise à coeur ni qu'il perdra ce sens du bien commun qui l'habite. On doit toutefois s'attendre à ce qu'il défende essentiellement (sinon exclusivement) le point de vue de l'industrie et qu'il mette tout son talent au service de ses clients et de leur thèse. Bref, de la part des citoyens, la vigilance et le discernement seront de mise.

M. Bouchard aura trois grands défis à relever: (1) démontrer à la population qu'il est possible de faire l'exploration et l'exploitation de ces gaz d'une façon qui soit peu dommageables à l'environnement; (2) expliquer en quoi tout cela peut être rentable pour l'État québécois et favoriser le développement économique du Québec; (3) prouver que les avantages l'emportent largement sur les inconvénients.

Sur ces trois points, un grand nombre de Québécois semble d'avis que la preuve reste à faire, que la démonstration est trop fragile et que les explications sont insuffisantes. Lucien Bouchard réussira-t-il là où tant d'autres ont échoué ? Cela reste à voir.

En ce qui concerne Diane Lemieux, le gouvernement a sans doute fait un bon coup en la nommant présidente de la CCQ. La lionne de Bourget fera du bon boulot dans cette fosse aux lions qu'est le monde de la construction.

Pour assainir ne serait-ce que quelque peu l'industrie de la construction au Québec, Diane Lemieux aura besoin de l'appui entier du gouvernement, appui qui lui semble acquis pour le moment. N'était-ce pas l'ex-président de la FTQ-Construction, Yves Mercure, qui confirmait récemment ce dont nous nous doutions fortement, c'est-à-dire que le crime organisé s'était infiltré et répandu dans le milieu de la construction? Si tel est le cas, cela signifie que le problème est systémique et structurel, voire endémique.

Il faudra de grands remèdes pour venir à bout de ces grands maux. Diane Lemieux disposera-t-elle des ressources nécessaires pour atténuer, voire éradiquer le problème ? Pourra-t-elle, en même temps qu'elle tentera de faire le grand ménage dans l'industrie de la construction, assurer l'harmonie sur les chantiers ? Donnons la chance au coureur. Mais, là encore, soyons aux aguets.

La nomination de Lucien Bouchard, à laquelle le gouvernement n'est probablement pas étranger, et celle de Diane Lemieux constituent des gestes extrêmement habiles. M. Bouchard et Mme Lemieux sont probablement les meilleures personnes, au meilleur endroit, au meilleur moment. Ces nominations témoignent de l'intention du gouvernement de reprendre l'avantage du jeu politique et de rassurer l'opinion publique. Bref,  le gouvernement repasse à l'offensive.

Ces nominations, en plus de la prorogation attendue de la Chambre et de l'imminence d'un nouveau discours inaugural, témoignent non seulement de la volonté du gouvernement de reprendre les choses en main, mais aussi de celle de Jean Charest de continuer à se battre. Le dégel printanier, dans quelques semaines, annoncera-t-il la débâcle ou plutôt la renaissance du gouvernement? J'espère la seconde.