J'ai beaucoup de difficultés à dormir depuis quelques jours, et ce, pour deux raisons différentes, mais en même temps tellement similaires. Toutes les nuits, ma petite Rose, qui a maintenant 7 ans, vient me supplier avec ses beaux grands yeux bruns de lui faire une place au creux de mon lit douillet. Elle se colle, pour ne pas dire qu'elle embarque tout simplement sur moi, pour se rendormir en se mettant deux doigts dans la bouche.

J'ai beaucoup de difficultés à dormir depuis quelques jours, et ce, pour deux raisons différentes, mais en même temps tellement similaires. Toutes les nuits, ma petite Rose, qui a maintenant 7 ans, vient me supplier avec ses beaux grands yeux bruns de lui faire une place au creux de mon lit douillet. Elle se colle, pour ne pas dire qu'elle embarque tout simplement sur moi, pour se rendormir en se mettant deux doigts dans la bouche.

Il y a maintenant plus de quatre ans que cette belle petite fille des nations fait partie de notre famille. Malgré tout l'amour que nous lui donnons, malgré la stabilité familiale, malgré la vie presque parfaite à laquelle elle a droit, Rose reste fragile.

Ses trois premières années de vie sont remplies d'événements que, malgré notre bonne volonté, nous ne pourrons jamais effacer. Rose est haïtienne, elle est née dans ce pays où, avant le séisme de 2010, il existait plus de 300 000 «restavec», ces enfants esclaves, dont 70% sont des filles. Ces chiffres me font frémir. Ces chiffres m'empêchent de dormir. Imaginez un seul instant le nombre astronomique d'enfants qui aujourd'hui, un an après la tragédie, déambulent dans les rues de ce pays détruit.

Je regarde ma fille dormir et je ne peux m'empêcher d'imaginer ce qu'elle serait devenue si...

Alors, j'ai besoin d'explications. Je veux savoir pourquoi il est impossible aux familles adoptives comme la mienne de récidiver. Dites-moi, grands experts de la cause humanitaire, sur quelles bases vous pouvez affirmer qu'il est préférable pour l'instant de fermer les portes de l'adoption? J'espère que vous ne pensez pas sérieusement que nous allons vous croire lorsque vous nous dites que c'est pour la sécurité et le bien-être des enfants, que c'est parce que vous craignez que des enfants soient séparés par erreur de leurs parents!

Si vous avez pu chiffrer le nombre de «restavec» dans ce pays qui n'en est plus un, vous avez également pu constater que ces enfants sont abandonnés. Il me semble que la conclusion est facile et qu'il ne faut pas 12 diplômes universitaires pour l'établir.

En dénonçant haut et fort ces faits, ces propos, j'entends déjà les critiques dire: «Solution trop simpliste, il faut respecter les règles, il faut s'assurer que ces enfants ne fassent pas partie d'un réseau de vol d'enfants, etc.» Je vous dis à vous: foutaises, défaite non justifiée.

Rien ne peut expliquer de façon rationnelle le refus d'une société de permettre à des familles d'accueillir des enfants. Au-delà du béton, au-delà de la reconstruction, il faut à tout prix rouvrir les portes à l'adoption: c'est la priorité! Nous avons le devoir en tant que peuple, en tant qu'humains, de sauver ces enfants.

Vous savez ce qui m'empêche véritablement de dormir? C'est que je sais pertinemment que l'an prochain, lorsque l'on soulignera le deuxième anniversaire de la tragédie, rien n'aura changé, tout sera pareil, et le nombre d'enfants «restavec» aura augmenté de façon considérable.

Qui a osé dire que la vie d'un enfant n'avait pas de prix? Qui a osé prétendre que le droit des enfants était une priorité mondiale?