Prévoir n'est pas le point fort des économistes. Bien peu parmi eux avaient anticipé la crise financière de 2008: c'est donc avec prudence qu'on annoncera une nouvelle année en croissance.

Prévoir n'est pas le point fort des économistes. Bien peu parmi eux avaient anticipé la crise financière de 2008: c'est donc avec prudence qu'on annoncera une nouvelle année en croissance.

La difficulté de prévoir tient à la nature même du système capitaliste mondialisé: tout événement local peut désormais provoquer un retentissement global à la manière des phénomènes météorologiques.

De plus, étant fondé sur l'innovation, le capitalisme ne progresse jamais que de crise en crise, puisque toute innovation est risquée et que toute innovation, y compris financière, n'est pas promise au succès.

Mais ce système complexe, malgré ses pannes, s'avère de plus en plus résistant parce que mondial: un accident ici est vite compensé par un progrès là-bas. Quand les États-Unis ralentissent, la Chine ou l'Inde accélèrent et l'équilibre d'ensemble se rétablit.

Ainsi, les prophètes les plus disqualifiés par la récente récession se trouvent être les prophètes de malheur. Les Jérémie nous avaient annoncé la crise finale du capitalisme: il n'y a pas un an, la presse française s'interrogeait doctement sur le retour de Karl Marx et la validité de ses prédictions. Les plus modérés ne juraient que par Keynes (une icône aussi illisible et périmée que Marx), promettant, ou espérant que «plus rien ne serait comme avant». Des chefs d'État, à l'affût de nouveaux pouvoirs, promettaient une économie mondiale dorénavant sous contrôle et suffisamment réglementée pour que toute crise soit bannie par décret.

Eh bien, à l'aube de 2011, le nouveau capitalisme mondial ressemble étrangement à l'ancien: l'innovation, le profit, l'échange restent pour notre temps, les seuls moteurs connus du développement. Seules les banques sont soumises à quelques nouvelles règles, modestes, propres à renforcer leur sécurité: elles sont surtout, spontanément, devenues plus prudentes.

Les riches continuent donc à s'enrichir mais, partout dans le monde, s'élèvent en masse de nouvelles classes moyennes. Les véritables victimes sont les peuples incarcérés par leur gouvernement dans des économies non capitalistes et non mondialisées.

Ce capitalisme global n'a-t-il pas été sauvé par les interventions publiques? De fait, rendons grâce aux gouvernements du G20 pour n'avoir pas fermé les frontières comme en 1930, ni allumé l'inflation comme en 1975. «Ne pas nuire», en économie comme en médecine, est la première vertu. Sans doute, devrait-on pareillement se féliciter de l'action des banques centrales: au contraire de 1930, elles ont abondé le marché en liquidités, ce qui a empêché la panique des épargnants, mais sans relancer pour autant la croissance. La relance ne procède jamais que des entrepreneurs: ne pas nuire à l'économie exige de ne pas faire fuir les entrepreneurs.

Le regain attendu de la croissance dans les pays développés en 2011, en particulier aux États-Unis et en Europe, ne devrait pas résorber pour autant le chômage. La «croissance sans l'emploi» devient une norme regrettable dans ces régions, essentiellement parce qu'une partie de la population n'est pas qualifiée pour des emplois complexes, tandis que les métiers manuels sont exportés là où les salaires sont bas. Il n'existe pas de solution à court terme, sauf à baisser les salaires, ce qui est socialement inconcevable. Il reste à élever le niveau de l'éducation, ce qui exigera une génération.

On devrait aussi envisager sérieusement l'hypothèse de la réindustrialisation. On en perçoit des signes aux États-Unis, où General Electric, par exemple, rapatrie certaines fabrications. De nouvelles techniques (nanotechnologies) et la crainte fondée de se voir dérober les secrets de production rendent la réindustrialisation viable. 2011, An 1 de la réindustrialisation?