Le député fédéral conservateur Maxime Bernier a retenu l'attention récemment en proposant ni plus ni moins l'abolition du pouvoir fédéral de dépenser. Le pouvoir fédéral de dépenser a toujours eu mauvaise presse au Québec. Loin d'être récentes, les récriminations remontent à l'époque de Maurice Duplessis qui, à l'époque, s'opposait à ce que le gouvernement fédéral investisse massivement à bâtir un réseau national d'universités. Depuis, les principaux arguments évoqués par ses opposants sont archi-connus : envahissement des compétences exclusives du Québec, imposition des priorités d'Ottawa, centralisation excessive au profit du gouvernement fédéral et manque de prévisibilité des transferts fédéraux à long terme.

Le député fédéral conservateur Maxime Bernier a retenu l'attention récemment en proposant ni plus ni moins l'abolition du pouvoir fédéral de dépenser. Le pouvoir fédéral de dépenser a toujours eu mauvaise presse au Québec. Loin d'être récentes, les récriminations remontent à l'époque de Maurice Duplessis qui, à l'époque, s'opposait à ce que le gouvernement fédéral investisse massivement à bâtir un réseau national d'universités. Depuis, les principaux arguments évoqués par ses opposants sont archi-connus : envahissement des compétences exclusives du Québec, imposition des priorités d'Ottawa, centralisation excessive au profit du gouvernement fédéral et manque de prévisibilité des transferts fédéraux à long terme.

Dans toutes les fédérations, sans exception, le gouvernement fédéral utilise son pouvoir de dépenser. C'est la nature même d'un gouvernement : prélever des impôts et engager des dépenses qui reflètent les priorités de sa population. S'il est vrai que le pouvoir fédéral de dépenser peut conduire à une forme d'unilatéralisme qui est contraire à l'idée fédérale, il peut aussi être, s'il est balisé et bien encadré, un puissant outil de développement social et de redistribution de la richesse au sein du Canada.

Par exemple, l'accord sur la santé de 2004 signé par le premier ministre Paul Martin, qui a avalisé la pratique du fédéralisme asymétrique en n'apposant aucune condition aux milliards de dollars versés au Québec, ainsi que les accords sur les garderies et les congés parentaux sont des exemples où l'appui du fédéral a aidé le Québec à maintenir le caractère progressiste de son filet social. Il y a bien eu des cas plus litigieux, mais de façon systématique, le gouvernement du Québec s'est prévalu sans écoper du droit de retrait avec pleine compensation (opting-out).

Qui plus est, la part des transferts du gouvernement fédéral dans les revenus totaux du gouvernement du Québec n'a cessé de croître au cours des dernières années. En 2010-2011, le gouvernement du Canada versera au Québec plus de 19 milliards de dollars, ce qui correspond à un peu moins du quart des revenus totaux dont disposera l'État québécois.

Selon M. Bernier, il s'agirait simplement de transférer les points d'impôts équivalents au Québec et le tour serait joué. Il y a là un raccourci simpliste qui comporterait des conséquences fâcheuses pour le Québec. Le gouvernement du Québec n'a pas la capacité et l'assiette fiscales dont dispose le gouvernement canadien. Il serait donc nettement désavantagé par rapport à la situation actuelle. La capacité de lever des impôts (à partir d'une base fiscale de sept millions de citoyens pour le Québec comparativement à 32 millions pour l'ensemble du Canada) n'est tout simplement pas équivalente.

Dans le contexte financier dans lequel il se trouve, le Québec aurait-il les moyens de maintenir un programme de garderies à 7 $ par jour et le plus généreux programme de congés parentaux au pays si on abolissait le pouvoir fédéral de dépenser ? Peut-être, mais il faudrait couper massivement ailleurs. Et soyons clairs : les chantres de l'indépendance, reconnus pour leur arithmétique particulièrement inventive, ne régleront pas cette équation avec un coup de baguette magique.

La contribution du gouvernement canadien dans le financement des programmes sociaux est légitime dans la mesure où elle vient appuyer les priorités établies conjointement avec les provinces et quand elle laisse à ces dernières toute la latitude nécessaire dans leur mise en oeuvre. Dans les faits, le gouvernement fédéral pose très peu de conditions à ses transferts (outre les cinq conditions de la Loi canadienne sur la santé, il n'existe à peu près pas de conditions).

La proposition de M. Bernier ne ferait qu'accentuer les disparités régionales sur le plan économique et social et priverait les provinces de ressources indispensables.

* L'auteur est directeur associé de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa.