Il y a 35 ans, je décidais de faire du Canada mon pays. Dans mon cas, je jouissais du luxe d'avoir le choix entre quelques candidats au poste de suppléant au pays natal. Mais après réflexion, j'ai choisi le Canada.

Il y a 35 ans, je décidais de faire du Canada mon pays. Dans mon cas, je jouissais du luxe d'avoir le choix entre quelques candidats au poste de suppléant au pays natal. Mais après réflexion, j'ai choisi le Canada.

Oh, pas seulement à cause de l'éternelle obsession de la cabane, de l'espace et de la nature en cartes postales. Pas non plus pour mieux comprendre ce poème de Louis Fréchette; plus de cent vers que mon père connaissait par coeur et qu'il débitait d'une voix théâtrale. Ni encore pour le frigidaire de Tex Lecor et la Conceptionne de Charlebois qui me faisaient rigoler ou La Manic de Georges Dor qui embuait mes yeux; pas pour Gordon Lightfoot, Leonard Cohen ou Neil Young. Même pas pour la multitude de cousins installés ici depuis belle lurette et qui m'avaient prévenu qu'il «faisait frette en calvaire»! Non, il y avait bien plus que tout cela.

J'admirais du Canada les valeurs humaines que je retrouvais plus difficilement ailleurs; un sens des priorités où l'intérêt social primait et un comportement sur la scène internationale où neutralité, compassion, tolérance, ouverture, équilibre et impartialité formaient le tronc d'une réputation sans faille, d'une image quasi parfaite; bref, d'un idéal auquel j'aspirais à m'intégrer.

Dieu qu'on est loin de tout ça! Et je ne parle ni de Fréchette, ni de Young ni de Charlebois. Je parle de la dégradation de notre image, de l'érosion de nos valeurs sur la scène internationale. Je parle du fait qu'adulés des décennies entières, nous en soyons arrivés au point de nous faire détester par une belle majorité du globe en un rien de temps; ou plus précisément en cinq ans - juste le temps qu'il a fallu aux conservateurs pour nous marginaliser et ternir une image précédemment valorisée d'une manière exceptionnelle sur l'échiquier mondial.

Alors qu'une série de malheureuses décisions internationales nous a lentement descendus aux abysses, notre récent échec à l'ONU arrive à point pour forcer le gouvernement à se poser les questions appropriées.

Évidemment, nous n'en sommes pas là. Il faut d'abord passer par la classique phase de déni puisque d'après le premier ministre, «tout va très bien, madame la marquise»... Même si des «135 appuis obtenus par écrit et une quinzaine d'appuis verbaux» d'après Lawrence Cannon, chef de la diplomatie canadienne, nous n'en ayons obtenu que 114, ce cuisant échec et cette humiliation «ne sont que choses passagères»...

De ces récentes décisions et prises de positions radicales sur la scène internationale, il est évident que la politique du gouvernement Harper au sujet de la question d'Israël et des Palestiniens a agi en sa défaveur.

Il est étonnant d'ailleurs que le Canada se singularise par son appui inconditionnel d'Israël alors que la Terre entière semble vouloir adopter graduellement une position plus équilibrée à l'égard de cette douloureuse question. Cette position canadienne est d'autant plus étonnante qu'elle contredit tous les principes de justice, de compassion et de neutralité cités plus haut.

Si nous voulons réellement promouvoir l'objectif de paix et de coexistence des deux peuples palestiniens et israéliens, comment pouvons-nous accepter de soutenir aveuglément la politique expansionniste d'Israël? Si nous sommes de vrais amis d'Israël, autant profiter de ce privilège pour inviter le gouvernement de ce pays à calmer ses ardeurs colonialistes à Jérusalem le temps de relancer le processus de paix d'une manière sérieuse.

Et peut-être même profiter de cette occasion pour reconfirmer notre rôle d'agent de paix plutôt que de nous afficher en promoteur de cafouillages.  

Alors, je reconnaîtrai peut-être à nouveau mon Canada.