L'opinion publique est inconstante, voire inconsistante, et les héros politiques deviennent facilement de presque zéros politiques, y compris pour les journalistes qui se laissent parfois imprégner du pessimisme populaire. C'est ce qui arrive actuellement au gouvernement Charest. On le fustige dans les sondages et on le caricature dans les médias, endormi avec le volant dans les mains.

L'opinion publique est inconstante, voire inconsistante, et les héros politiques deviennent facilement de presque zéros politiques, y compris pour les journalistes qui se laissent parfois imprégner du pessimisme populaire. C'est ce qui arrive actuellement au gouvernement Charest. On le fustige dans les sondages et on le caricature dans les médias, endormi avec le volant dans les mains.

Certes, on comprend que la population soit déçue, voire choquée qu'il n'y ait pas d'enquête publique sur la construction et je partage cette déception. Il y a aussi ces interminables dossiers du CHUM et du réaménagement de la rue Notre-Dame, à Montréal (dans ce dernier cas, le gouvernement du Québec n'est pas forcément à blâmer). Et les Québécois ont été choqués par le dernier budget du Québec, à tort cependant. C'est un budget courageux et il s'imposait de redresser la barre.

Je lisais les propos de MM. Lucien Bouchard et Mario Dumont il y a quelques jours, déplorant que le gouvernement Charest ne propose pas de projet de société emballant.

Outre le fait que ce gouvernement soit loin d'être inactif dans de nombreux domaines dont les infrastructures, l'environnement, la culture, le développement de l'économie et le soutien à l'innovation, ainsi que la création d'un nouvel espace économique national et international propice au Québec, il a bel et bien mis en branle le plus important projet de société depuis la Révolution tranquille.

Je suis personnellement emballé par ce projet immense, le Plan Nord.

Le Plan Nord consiste à développer enfin cet immense territoire vaste comme deux fois tout le Québec situé au sud du 49e parallèle. Il est d'une taille colossale et d'une importance incommensurable.

Ce territoire de 1,2 million de kilomètres carrés est habité par moins de 120 000 personnes, dont les communautés inuites, innues et autochtones (33 000 personnes) habitant 63 villes, villages ou agglomérations de communautés.

Il est évident que le développement de ce territoire devra se faire en partenariat avec les collectivités issues de ces Premières nations et que la première étape du Plan Nord nécessite des discussions et négociations franches, honnêtes et... qui exigent du temps. Mais les communautés autochtones, si elles veulent préserver une partie de leur mode de vie traditionnel, veulent aussi travailler, s'enrichir, mieux se loger, utiliser des moyens de transport modernes et avoir accès au monde de l'internet et des communications et médias.

Donc, le Plan Nord évoluera sur une période de plusieurs décennies au terme desquelles le Québec gagnera de formidables enjeux.

- L'un des premiers enjeux est l'occupation du territoire. Il est vital pour l'avenir du Québec d'affirmer sa présence de la baie James au Labrador et jusqu'à l'Arctique.

- Le territoire du Plan Nord est également deux fois plus grand que tout le sud du Québec actuellement peuplé de façon plus dense. On y trouvera des gisements d'or, de platine, de métaux usuels, de fer, manganèse, terres rares, kimberlite (diamant) nickel, cuivre, argent, plomb et d'uranium. Certaines de ces ressources sont déjà connues et quelques projets miniers sont en voie de mise en oeuvre. Les richesses minérales de ce territoire devraient être au moins deux fois plus considérables que toutes les ressources minières actuelles du Québec.

- Le potentiel énergétique de ce territoire est considérable et offre la perspective d'exploitation de quantités très importantes d'énergie hydroélectrique, éolienne ou hydrolienne, ces types de production pouvant être couplés et dirigés vers des lignes de transport communes.

- Le potentiel forestier est important jusqu'à une certaine latitude. Bien que les pessimistes disent qu'il ne sert à rien de planter 100 millions d'arbres dans la portion sud de ce territoire (sous prétexte qu'il faut 50 ans pour obtenir des arbres matures) les optimistes prétendent qu'un travail de recherche poussé permettrait d'étendre le couvert forestier et de créer des zones plus productives. Et puis, 50 ans, 75 ans, ce sera toujours quelque chose de gagné, l'histoire ne s'écrit pas en décennies!

- Le territoire du Plan Nord recèle aussi des promesses non négligeables en matière de ressources pétrolières et gazières.

- Le potentiel touristique du territoire est considérable. On y trouve déjà deux parcs naturels et 200 pourvoiries, et quelques paysages à couper le souffle, sans compter 15 infrastructures maritimes et 25 aéroports.

- Enfin, le Plan Nord prévoit que 50% du territoire sera soustrait à toute activité industrielle (mais non touristique).

Si la Révolution tranquille a permis au Québec d'entrer dans l'ère moderne en affirmant sa culture, son rôle international, en développant des outils économiques, en créant ses réseaux d'éducation et de santé (quels que soient les reproches qu'on puisse leur faire), le Plan Nord a le mérite de permettre au Québec d'occuper et de mettre en valeur un territoire d'une richesse méconnue et de passer à une nouvelle étape de son histoire.

Si cela n'est pas un projet de société emballant, je me demande ce qu'on peut demander de mieux!

*L'auteur est journaliste et annonceur de carrière (Radio-Canada, «newsmagazine» Sept-Jours - Le Devoir, journal Finance), communicateur indépendant, traducteur et animateur d'émissions à Radio-Ville-Marie.