Selon un article publié le 5 mai dans La Presse, le président et chef de la direction de Bombardier, Pierre Beaudoin, a remis «en question le modèle des partenariats public-privé (PPP)» lors d'un débat tenu au Milken Institute de Santa Monica, en Californie.

Selon un article publié le 5 mai dans La Presse, le président et chef de la direction de Bombardier, Pierre Beaudoin, a remis «en question le modèle des partenariats public-privé (PPP)» lors d'un débat tenu au Milken Institute de Santa Monica, en Californie.

Il aurait affirmé «qu'il en coûtait beaucoup plus cher aux compagnies qu'aux gouvernements pour emprunter de grandes sommes d'argent ». Il aurait ajouté que «le secteur privé est bien placé pour gérer les coûts d'un projet et en respecter les échéanciers, mais je ne suis pas convaincu, en règle générale, qu'il est mieux placé pour financer des projets». Le président de Bombardier aurait avancé que «sur une période de 20 ans, un projet de 1 milliard de dollars US était susceptible de coûter 480 millions de plus s'il est financé par le secteur privé plutôt que par les autorités publiques».

La performance des PPP au niveau du contrôle des coûts, du respect des échéanciers et de la gestion des risques, sans être sans faille, est bien connue et reconnue. Pierre Beaudoin le rappelle à juste titre. Par contre, il fait erreur dans son analyse du coût de financement d'un projet par le secteur privé par rapport au coût de financement par les autorités publiques. Cette erreur est subtile, mais très répandue tant dans le secteur public, y compris dans le monde académique, que dans le secteur privé.

Le grand avantage de la formule des PPP vient de la mise en concurrence des partenaires privés pour faire émerger les meilleures pratiques (gestion de risques, contrôle des coûts, maintien des infrastructures, développement de compétences à valoriser) et pour réduire le pouvoir des groupes d'intérêts qui s'exerce toujours aux dépens des contribuables. Cet avantage est présent même et peut-être encore plus dans le cas d'ouvrages complexes comme les grandes infrastructures communes. C'est la principale raison pour laquelle de nombreux pays ont adopté la formule PPP pour la rénovation, l'agrandissement, la transformation et la construction de leurs infrastructures de toute sorte, entre autres les routes et échangeurs, les transports en commun et les hôpitaux.

Considérons l'argument du coût de financement qui serait défavorable aux PPP. L'argument sous-jacent est le suivant: vu que le taux d'intérêt sur les emprunts gouvernementaux est plus faible que celui du secteur privé, le coût d'un bien ou service sera nécessairement plus faible s'il est produit par le secteur gouvernemental. Il est vrai à que le secteur public peut emprunter à des taux d'intérêt plus faibles. Mais pourquoi? La raison est la suivante: contrairement aux entreprises privées, le gouvernement a le droit et le pouvoir de lever des taxes ou impôts supplémentaires si ses projets s'avèrent être en difficulté.

Du point de vue des citoyens contribuables, ce droit de l'État a un coût bien réel, mais caché ou non comptabilisé. Il est égal à la valeur de l'option financière consentie par les contribuables à l'État lui permettant d'exiger des fonds additionnels pour couvrir, le cas échéant, les difficultés, l'échec, voire la faillite du projet considéré. Le différentiel de coût de financement est essentiellement égal au coût implicite de cette option que détient le gouvernement.

Si les citoyens donnaient à une entreprise privée, telle Bombardier, l'option, donc le droit de les «taxer» si elle se retrouvait en situation de détresse financière, elle pourrait se financer au même taux que le gouvernement. D'où l'erreur, subtile certes, mais claire et nette.