Il y a trois semaines, lorsque l'armée géorgienne a bêtement envahi l'Ossétie du Sud et que l'armée russe l'a repoussée, j'ai écrit qu'il ne fallait pas redouter une nouvelle guerre froide. Un vieil ami journaliste à Moscou m'a immédiatement envoyé un courriel pour me dire que j'avais tort. Je commence à penser que c'est vrai, car les préparatifs d'une nouvelle guerre froide - ou tout au moins d'une guerre très fraîche - avancent doucement mais sûrement.

Il y a trois semaines, lorsque l'armée géorgienne a bêtement envahi l'Ossétie du Sud et que l'armée russe l'a repoussée, j'ai écrit qu'il ne fallait pas redouter une nouvelle guerre froide. Un vieil ami journaliste à Moscou m'a immédiatement envoyé un courriel pour me dire que j'avais tort. Je commence à penser que c'est vrai, car les préparatifs d'une nouvelle guerre froide - ou tout au moins d'une guerre très fraîche - avancent doucement mais sûrement.

Le 27 août, le ministre des Affaires étrangères britannique, David Miliband, s'est rendu à Kiev pour y déclarer que "la crise de la Géorgie était un réveil brutal. La vue de chars russes dans un pays voisin au 40e anniversaire de l'écrasement du Printemps de Prague a montré que les tentations de la politique de coercition demeurent."

Pour David Miliband, en reconnaissant l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, la Russie a mis fin à la "période d'après guerre froide de calme géopolitique grandissant dans et autour de l'Europe." Par conséquent, l'Ukraine et la Géorgie, d'anciennes parties de l'Union soviétique, seraient les bienvenues dans l'OTAN, l'ancien grand ennemi de la Russie. Ah, et encore une chose, il a expliqué que la Russie avait la "lourde responsabilité" de ne pas déclencher une nouvelle guerre froide.

Le même jour, Mitt Romney, l'un des candidats défaits dans la course à la direction du Parti républicain, était à Denver pour arguer que le sénateur Barack Obama, le candidat démocrate à la présidence, n'avait pas le jugement et l'expérience pour gérer une crise comme celle de l'"invasion de la Géorgie". Il a poursuivi en émettant l'hypothèse que la prochaine fois, les "Soviétiques" pourraient envahir la Pologne. Pourquoi pas ? Après tout, si nous sommes bons pour une nouvelle guerre froide, pourquoi ne verrait-on pas réapparaître l'Union soviétique ?

Consciemment ?

Quant au premier ministre russe Vladimir Poutine... Le lendemain, il faisait monter les enchères en spéculant que le gouvernement des États-Unis avait encouragé la Géorgie à attaquer l'Ossétie du Sud afin de provoquer une crise. "Le camp américain a en fait armé et entraîné l'armée géorgienne [...] On peut soupçonner que quelqu'un aux États-Unis a consciemment initié ce conflit dans le but d'aggraver la situation et de créer un avantage pour l'un des candidats dans la bataille pour le poste de président des États-Unis."

Mais je ne crois pas que la Maison-Blanche ait demandé au président géorgien Mikhaïl Saakachvili de s'emparer de l'Ossétie du Sud, en s'attendant à ce que les Russes contre-attaquent, terrassent l'armée géorgienne et convainquent ainsi des Américains effrayés de voter pour John McCain. L'administration Bush n'aurait pas trahi aussi froidement son chouchou, la Géorgie. La vérité est probablement que le président Saakachvili, après s'être vu promettre l'entrée de la Géorgie dans l'OTAN, a attaqué l'Ossétie du Sud en présumant, à tort, que les États-Unis menaceraient la Russie de guerre pour couvrir ses arrières.

Et maintenant, la Russie vient encore d'accroître la fureur de l'Occident en reconnaissant l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'autre territoire séparatiste de la Géorgie, l'Abkhazie. Ce n'est pas véritablement une perte pour la Géorgie, qui n'a jamais réussi à les contrôler depuis l'obtention de sa propre indépendance, au moment de l'éclatement de l'Union soviétique (1991). Les groupes ethniques locaux ont contrecarré les premières tentatives géorgiennes de les conquérir entre 1991 et 1992 et, étant donné le "nettoyage ethnique" opéré par les deux camps dans ces guerres, les minorités ossète et abkhaze n'accepteront jamais l'autorité de la Géorgie.

Un précédent

Pourtant, durant ces 16 dernières années, Moscou n'avait jamais reconnu leur indépendance. La Russie a toujours insisté sur la préservation de l'intégrité territoriale des États, car beaucoup de ses propres minorités pourraient être tentées par le séparatisme si les groupes ethniques mécontents pouvaient légalement se séparer d'un pays. Si l'Ossétie du Sud peut faire sécession de la Géorgie, pourquoi l'Ossétie du Nord ne pourrait-elle pas faire sécession de la Russie ?

En 1999, les principaux pays occidentaux ont occupé le Kosovo, province de Serbie à majorité albanaise, pour mettre fin aux atrocités commises là-bas par l'armée serbe. Et voilà qu'en février dernier, ils ont finalement reconnu l'indépendance du Kosovo, ce qui a enragé Moscou. C'est un précédent qui aurait pu engendrer le chaos dans le monde. Eh bien, la Russie s'est désormais appuyée sur ce précédent s'agissant de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie... Mais le jour où le Kremlin acceptera que ce même principe puisse s'appliquer, disons, à la Tchétchénie, les poules auront des dents !

Comme l'a dit la semaine dernière l'ancien ambassadeur britannique en Yougoslavie, Sir Ivor Roberts : "Moscou a agi avec brutalité en Géorgie. Mais quand les États-Unis et l'Angleterre ont soutenu l'indépendance du Kosovo sans l'accord de l'ONU, ils ont ouvert la voie pour que la Russie défende l'Ossétie et que l'Occident subisse l'humiliation actuelle. Ce qui vaut pour le Kosovo vaut pour l'Ossétie du Sud."

Il n'y a toujours aucune bonne raison qui justifie une nouvelle guerre froide, et je continue de penser que cela n'arrivera pas. Mais au fur et à mesure que les prises de position politiciennes et les bêtises s'accumulent, je suis maintenant moins catégorique.

Gwynne Dyer est un journaliste indépendant canadien, basé à Londres, dont les articles sont publiés dans 45 pays. Son dernier livre, Futur Imparfait, est publié au Canada aux Éditions Lanctôt.

gdyer@ledroit.com