Le ridicule débat sur la couleur de la margarine au Québec vient d'aboutir à sa seule conclusion logique. D'ici quelques jours, et après 20 ans d'un débat stérile et inutile, on verra apparaître sur nos tables de la margarine jaune. L'énergie dépensée pour défendre l'indéfendable aurait sans doute été utilisée à meilleur escient pour commercialiser les produits québécois que de prendre les consommateurs pour des imbéciles comme s'ils ne savaient pas faire la différence entre le beurre et la margarine.

Le ridicule débat sur la couleur de la margarine au Québec vient d'aboutir à sa seule conclusion logique. D'ici quelques jours, et après 20 ans d'un débat stérile et inutile, on verra apparaître sur nos tables de la margarine jaune. L'énergie dépensée pour défendre l'indéfendable aurait sans doute été utilisée à meilleur escient pour commercialiser les produits québécois que de prendre les consommateurs pour des imbéciles comme s'ils ne savaient pas faire la différence entre le beurre et la margarine.

Mais cette affaire cache un enjeu beaucoup plus profond sur le commerce intérieur canadien qui a fait l'objet de discussions la semaine dernière, à Québec, entre les ministres de l'Agriculture du fédéral et des provinces, à la veille de la réunion estivale, dans la vieille capitale, à compter de mercredi, du Conseil de la fédération.

En effet, les 13 premiers ministres des provinces et territoires ne pourront annoncer d'entente sur le volet agroalimentaire de l'Accord sur le commerce intérieur (ACI). Ce volet soulève de vives inquiétudes au Québec car il pourrait remettre en cause la spécificité de certains produits québécois. La décision des ministres de l'Agriculture de se revoir à l'automne pour en discuter plus à fond et prendre une décision plus éclairée est sage. Il vaut mieux se donner du temps afin d'éviter les effets pervers d'une décision à la sauvette.

Les ministres de l'Agriculture ont cependant signé une entente sur les grandes orientations de la politique agricole canadienne, Cultivons l'avenir, prévoyant l'injection sur cinq ans de 1,3 milliard $, le fédéral en assumant 60 % et les provinces, 40 %. Dans l'ensemble, cette politique plus flexible encadrera les accords bilatéraux entre le fédéral et les provinces, surtout en ce qui touche la recherche et le développement, la sécurité alimentaire et l'environnement. Toutefois, il n'élargira pas les régimes de compensation des éleveurs de bétail.

Par contre, le véritable noeud du problème porte essentiellement sur les normes plus ou moins restrictives dans certaines provinces par rapport à d'autres dans le domaine de l'agriculture et surtout de la commercialisation. L'ACI est entré en vigueur en 1995 pour favoriser le commerce interprovincial en s'attaquant aux obstacles à la libre circulation des personnes, des produits, des services et des investissements à l'intérieur du pays. Or, au chapitre des produits agricoles et alimentaires, on veut réduire les barrières commerciales en examinant "les systèmes de gestion des approvisionnements de produits laitiers, de la volaille et des oeufs" et en éliminant "les différentes barrières techniques entre les provinces, telles que les normes de produits ou de catégories et la réglementation en matière de végétaux et d'animaux". C'est, en plus clair, ce que l'on appelle la disparition de cartels, parfois légaux, qui visent essentiellement à regrouper des producteurs pour maintenir des prix élevés et réduire la concurrence. Et quand c'est sanctionné par une loi, cela devient un extraordinaire outil au service d'une industrie, comme le lait, par exemple.

La crainte manifestée en particulier l'Union des producteurs agricoles (UPA), la Fédération des producteurs laitiers et l'Union des consommateurs est qu'un certain "nivellement par le bas" amoindrisse les normes québécoises plus contraignantes, modifie l'étiquetage des produits et remette en question la gestion de l'offre (les cartels) et la mise en marché collective (via les quotas).

Le ministre de l'Agriculture du Québec, Laurent Lessard, a réussi à acheter du temps auprès de ses collègues. On se donnera jusqu'au 31 octobre pour discuter plus à fond du volet agricole de l'ACI. C'est une bonne chose dans la mesure où cela donnera plus de temps pour gommer les irritants. Il ne faut cependant pas se faire d'illusion. Les barrières au commerce intérieur entre les provinces ne sont pas tant des outils économiques que politiques. Les pressions politiques pour maintenir les acquis seront très difficiles à contrer.

L'ACI vise à lever les obstacles inutiles et à concilier les normes. On en est très loin dans la mesure où ce qui est un irritant pour l'un est une question de survie pour l'autre.

Les ministres de l'Agriculture se sont achetés du temps. On doute qu'ils en auront assez pour "changer le monde" de l'agriculture canadienne. Le libre-échange est plus facile entre pays qu'entre provinces.

pbergeron@ledroit.com