Le premier ministre Stephen Harper est plus impatient à chaque jour qui passe. Il veut en découdre avec les partis d'opposition parce qu'il a repéré une ouverture dans le calendrier politique et dans l'opinion publique.

Le premier ministre Stephen Harper est plus impatient à chaque jour qui passe. Il veut en découdre avec les partis d'opposition parce qu'il a repéré une ouverture dans le calendrier politique et dans l'opinion publique.

Cette urgence soudaine ne s'explique pas autrement. Et par-dessus bord les principes du respect de la parole donnée ! C'est pourtant en mai 2007, il y a 16 mois à peine, que les conservateurs jubilaient que le projet de loi C-16 sur les scrutins à date fixe ait obtenu l'assentiment du Sénat. L'objectif était de soustraire le calendrier électoral au bon vouloir du premier ministre. Maintenant que ce principe ne tient plus aux yeux de M. Harper, voilà qu'il le jette par-dessus bord !

Bel exemple du respect de ses idéaux !

Après leur élection en janvier 2006, les conservateurs ont mis environ une année à livrer la marchandise, à leur avis, sur les cinq priorités qui formaient le coeur de leur programme électoral. Puis, de l'avis de plusieurs observateurs, nous avons assisté à une gestion fédérale souvent improvisée, qui ne trouvait son sens que lorsque les questions de loi et d'ordre ne venaient sur le tapis. Ainsi, les Bleus ont passé l'hiver 2007-2008 à tendre des pièges aux libéraux de Stéphane Dion dans l'espoir qu'ils y trébuchent. Il y a été question de hausser l'âge du consentement sexuel, l'inévitable budget (dans lequel ils ont ajouté un piège sur le financement d'oeuvres "jugées contraires à l'ordre public"), puis la prolongation de la mission militaire en Afghanistan jusqu'en 2011.

Trois jambettes, trois fois M. Dion a évité de poser le pied en avant, au prix de passer pour un pleutre. Trébucher une seule fois aurait fourni, aux yeux des conservateurs, une défaite sur une motion de confiance et aurait ainsi justifié de déclencher des élections anticipées.

Mais ce n'est pas arrivé.

Approche septembre et la proximité de la reprise des travaux parlementaires et voici que Stephen Harper a repris sa rhétorique belliqueuse à l'endroit des forces de l'opposition au Parlement. Au point où plus personne ne doute de la possibilité d'une élection fédérale à l'automne ; il n'y a que la date qui fait l'objet de spéculations.

Pourquoi cette hâte ?

Il y a quelques semaines, M. Harper soutenait que la Chambre des communes ne fonctionnait plus. Il avait raison, a qualifié LeDroit... tout en ajoutant qu'une des principales raisons de ce dysfonctionnement était le résultat de l'attitude des conservateurs eux-mêmes. Ils torpillent le travail de certains comités et pour le reste se comportent comme un gouvernement majoritaire qui peut faire ce qui lui tente au niveau des projets de loi parce que la loi du nombre l'avantage. Mais ce n'est pas le cas du gouvernement minoritaire de M. Harper et cela semble l'ennuyer grandement. Il voudrait faire à sa tête mais ne le peut pas. Il ne collabore pas avec l'un ou l'autre des partis dans l'opposition pour négocier le passage de certains projets de loi. Et s'il a survécu jusqu'ici, c'est que les libéraux, justement, ont toujours plié l'échine.

Mais personne ne sait vraiment quand les libéraux décideront qu'ils en ont assez. M. Dion a laissé entendre que la goutte qui fait déborder le vase pourrait être versée cet automne. En maintenant le suspense, le chef libéral s'arroge un pouvoir - celui de défaire les conservateurs - auquel M. Harper tient absolument. Pour mettre fin à cette situation inconfortable, Stephen Harper est prêt à renier ses principes sur le vote à date fixe.

Et il est prêt à le faire de façon imminente. Parce que les conservateurs lisent les mêmes sondages que vous, des sondages qui confirment que la faveur populaire lui est favorable au Québec, où le Parti conservateur espère gagner les sièges qui lui manquent pour passer la barre de la majorité. Malgré le cafouillage de Maxime Bernier, malgré les coupures dans le secteur des arts, le PC trône toujours. Et les libéraux ne montent pas.

Pour Stephen Harper, il n'y a pas de meilleur moment que maintenant. Mais pour les contribuables, le scrutin qui approche n'a aucune justification logique... autre que politique.

pjury@ledroit.com