À l'éditorialiste Pierre Jury,

À l'éditorialiste Pierre Jury,

Dans l'édition du 3 juillet, vous avez approuvé le choix du Dr Morgentaler comme récipiendaire de l'Ordre du Canada. Votre éditorial a entraîné de vives réactions de la part de nombreux lecteurs.

Je voudrais m'arrêter brièvement à l'un des arguments que vous avancez dans votre éditorial. Vous écrivez : "... sauf exception, les femmes qui... ont recours (à l'avortement) n'ont que peu de choix". Ce point de vue est, hélas ! contredit par les faits et les chiffres.

Même si l'on met de côté, pendant quelques instants, toute perspective éthique, religieuse ou morale et que l'on s'en tienne strictement au plan social, l'avortement affaiblit le tissu social d'une façon indéniable. Ainsi, au Canada, une grossesse sur trois est interrompue par l'avortement. Il faut réfléchir à ce chiffre : un futur citoyen sur trois ne voit pas le jour, dans une société qui vieillit et réclame des immigrants à cor et à cri. Ce "un sur trois" signifie, selon Statistique Canada, quelque 100 000 avortements par année.

C'est peut-être cela qui trouble tant de personnes : la banalisation indue d'un événement grave, traumatisant pour la personne qui le subit et pour la société où il se déroule. À force d'insister sur le "service" à rendre, le Dr Morgentaler a puissamment contribué à créer un climat où, pour de nombreuses personnes, l'avortement élimine une "nuisance" temporaire. Il avait lui-même déclaré, lors d'un débat télévisé, que ce qu'il "éliminait" était "quelques tissus cellulaires". Nous savons tous que ces "quelques tissus cellulaires", s'ils n'avaient pas été "éliminés", seraient devenus un être humain en bonne et due forme.