André Pratte demande, dans son éditorial du 22 juillet dernier, «en quoi un investisseur ayant perdu 5000$ dans Norbourg diffère-t-il d'un autre qui aurait perdu le même montant dans une fraude de moindre envergure et moins médiatisée?»

Voilà une excellente question. Ce n'est pas l'envergure de la fraude, ni l'importance que les médias lui ont accordée, qui justifient que les petits épargnants soient indemnisés. C'est en raison du rôle important joué par le gouvernement du Québec dans l'affaire Norbourg qu'une compensation s'impose.

À au moins trois reprises, le rôle du gouvernement du Québec dans le scandale Norbourg soulève des questions.

1) L'AMF

Le 28 mars 2001, la Commission des valeurs mobilières du Québec, qui deviendra par la suite l'Autorité des marchés financiers, autorise la création de six fonds communs de placement Norbourg. Curieusement, ces fonds seront autorisés alors que le directeur des inscriptions et de la conformité de l'AMF s'y oppose et souhaite même fermer la compagnie. C'est l'intervention de l'enquêteur attitré de l'AMF, Éric Asselin, qui deviendra par la suite vice-président finances de Norbourg, qui donne le feu vert de l'AMF.

2) Le ministère des Finances

Le 9 novembre 2001, Norbourg reçoit un chèque de 991 628$ du ministère des Finances. Vincent Lacroix avouera à son procès avoir versé un pot-de-vin de 100 000$ au fonctionnaire Jean Renaud pour obtenir le plus important chèque jamais octroyé par le gouvernement québécois dans le cadre de ce programme de crédit d'impôt. Sans ce chèque, Norbourg aurait probablement dû déclarer faillite. Jean Renaud remplira tous les formulaires pour obtenir ce chèque et transmettra la demande à ses supérieurs aux Finances. Par la suite, il prendra un congé sans solde du Ministère pour travailler comme consultant pour Norbourg et obtiendra 460 000$ pour ses services.

3) La CDPQ

En janvier 2004, la Caisse vend les fonds Évolution à Norbourg. Alors qu'une telle transaction est normalement gelée pour 60 jours, l'AMF ramène exceptionnellement ce gel à 35 jours parce que cette transaction n'aura supposément «pas pour conséquence des manquements à l'égard des obligations d'Évolution envers ses clients». Par cette transaction, Norbourg mettait la main sur 132 millions de liquidités.

Voilà donc trois interventions des autorités publiques québécoises qui expliquent en quoi l'affaire Norbourg diffère des autres. Non seulement le gouvernement du Québec a manqué à sa responsabilité de protéger les petits épargnants québécois, mais il a, bien involontairement, aidé Vincent Lacroix et ses complices à procéder à la plus importante fraude financière de l'histoire du Québec.

Le gouvernement ne peut pas, aujourd'hui, jouer les Ponce Pilate et doit indemniser le plus rapidement possible les 9200 petits investisseurs avant de se rembourser à même l'argent récupéré aux procès.