Le maire Gérald Tremblay a invoqué le manque de «solidarité» du chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, dans le dossier de la reconstruction de l'échangeur Turcot, pour le renvoyer du comité exécutif de la Ville de Montréal. Selon vous, le geste du maire est-il justifié?

VOS COMMENTAIRES

La vieille gang au pouvoir

L'expulsion de Richard Bergeron est justifiée seulement si on accepte que la démocratie à l'hôtel de ville de Montréal passe par un comité exécutif unanime. Je croyais que le maire avait bien fait d'inclure l'opposition dans ce groupe après les élections. Montréal aurait pu vraiment avancer en mettant tout le monde à contribution bien ouvertement. Mais on voit maintenant qu'il cherchait strictement à «co-opter» l'opposition, et pas vraiment à donner une voix franche aux deux autres partis à la recherche d'une nouvelle façon de gouverner. Le reste du mandat de Tremblay sera «business as usual» pour la vieille gang d'Union Montréal. Dommage pour nous, la majorité des Montréalais qui n'avons pas voté pour eux.

Jean Hébert, Montréal



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Triste symbole

Le maire Tremblay, faiblard et soumis à ses disciples du Parti libéral du Québec, ne pouvait plus supporter que Richard Bergeron se tienne debout et s'oppose enfin à des décisions plus que questionnables. Cette fin de régime de collaboration difficile est le triste symbole d'une gouvernance municipale qui se refuse à la contestation et à l'opposition d'une large frange de citoyens bernés et humiliés. Qu'arrivera-t-il de la lutte citoyenne de ce quartier dit «échangeur Turcot» soumis à des décisions finalement irrespectueuses de la vie quotidienne en ces lieux fragilisés, sinon une sourde colère qui, en bout de ligne, témoignera ou d'une soumission humiliante ou d'une lutte citoyenne exemplaire et source d'espoir pour les difficiles combats à venir.

Jacques Léger, Montréal



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Ce n'est pas une expulsion

Richard Bergeron n'a pas été expulsé : il a indiqué à Gérald Tremblay qu'il ne pourrait pas être solidaire d'un maire qui renierait ses engagements. Fin finaud, le maire a utilisé la bonne vieille stratégie : «Tu ne peux pas démissionner,  je te congédie!» Il faudrait rire si ce n'était pas tellement triste. 3 milliards  $ pour le pétrole, 0 $ pour l'électricité. Youppi pour le portefeuille des Albertains et des Texans. 3 milliards  $ pour la pollution. 0 $ pour l'air pur. Ayoye la santé publique. 3 milliards $ pour encombrer les rues et les places de stationnement de Montréal. 0 $ pour les dégager. Ayoye la qualité de vie des Montréalais. Pas étonnant qu'un homme intelligent (Richard Bergeron) ait démissionné. Quel autre choix avait-il?

Marie-Alice Dupuis

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Gérald Tremblay est un politicien rusé

À la suite des dernières élections, sa proposition d'inclure Vison Montréal et Projet Montréal au Conseil exécutif de la Ville de Montréal était un geste louable. Richard Bergeron fut nommé responsable du nouveau plan d'urbanisme que la Ville de Montréal doit présenter dans quelques mois. La première année du mandat de Richard Bergeron lui a apporté une crédibilité certaine qui pourrait porter ombrage au futur successeur du candidat-maire d'Union Montréal. Richard Bergeron a prouvé qu'il n'était pas cet illuminé idéologique décrit par certains analystes. Son pragmatisme et son travail acharné ont été reconnus par la communauté montréalaise. Ajoutée à cela, une certaine grogne s'accentuait au sein du parti Union Montréal quant à la trop grande visibilité du président de Projet Montréal. Les carottes étaient donc cuites. La précipitation de Gérald Tremblay d'expulser Richard Bergeron à la première occasion nous démontre que le maire n'est pas insensible, à court terme, à des intérêts politiques partisans. Cela nous prive d'une compétence reconnue, au sein du Conseil exécutif, quant à l'élaboration finale et la mise en place du nouveau plan d'urbanisme de la Ville de Montréal.

Jean Archambault

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Bravo à Richard Bergeron

Je ne suis certes pas un de ses inconditionnels, mais ça en prenait du courage, dans un espace politique devenu binaire jusqu'à l'aberration, pour accepter de se joindre à l'exécutif du maire Tremblay, avec tout ce que cela comportait comme risque pour lui et sa formation! En tant qu'urbaniste, et malgré son statut de chef de la deuxième opposition, il a saisi une opportunité... Celle-ci s'est avérée parfois fructueuse, on l'a vu avec Bonaventure. Malheureusement, force est de constater que le naturel revenant au galop, M. Tremblay a préféré renier ses propres engagements pour satisfaire des intérêts douteux auxquels nous commençons à être trop habitués. L'échangeur Turcot n'est pas qu'une question de béton! Santé publique, environnement, développement économique et aménagement urbain: voici autant de sujets sur lesquels le maire préfère faire une croix, aux seuls profits de sa famille libérale de Québec. Ce n'est qu'un énième coup de couteau dans le dos des Montréalais qui, au travers de la très grande majorité de ses élus et bien des groupes communautaires, s'étaient déclarés favorables à un changement de paradigme majeur sur le sujet. M. Tremblay aurait pu enfin se positionner en chef; il a préféré se contenter de revenir à son statut de gérant à la petite semaine. M. Bergeron est un politicien qui se tient debout, pour ses idées et pour les Montréalais et ça, quiconque faisant preuve d'un minimum d'honnêteté intellectuelle ne pourra le nier.

Pierre Cavier, habitant à Montréal, LaSalle

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Bannissement ou autobannissement?

À mon humble avis, nous nous trouvons ici confrontés à ce qui est autant une auto-expulsion qu'une véritable expulsion, laquelle serait faite et décrétée selon les vieilles règles de l'art... de gouverner et de penser aux contingences électoralistes. J'ai voté pour Projet Montréal lors des dernières élections. J'en avais assez de la mollesse et de la somnolence (apparente du moins) de Gérald Tremblay et je n'étais guère inspiré par Louise Harel. N'en déplaise à ceux qui n'ont que mépris ou aversion pour Richard Bergeron, je pense que Bergeron et son parti sont au diapason, un peu idéaliste peut-être, d'une sensibilité «environnementale» et sociétale.   De nombreuses personnes considèrent, à tort ou à raison (à raison à mon humble avis), qu'il faut modifier notre way of life, notre manière de produire, de construire, de consommer, de circuler, de nous déplacer, de vivre ensemble et d'envisager l'avenir des générations à venir. Cette mouvance me sied dans une très large mesure. C'est vrai, même si tout cela ne peut pas se réaliser d'un coup de baguette magique. La pesanteur du réel et du déjà-existant barre souvent la route à certains rêves et à des aspirations légitimes (mais pas facilement réalisables, du moins à court terme). Je pense qu'il y a eu du bon et du bénéfique dans l'alliance fragile qui, pendant un court laps de temps, a «réuni» Bergeron et Tremblay. Mais cela ne pouvait durer une éternité. Alors, Tremblay a eu raison de «bannir»  Bergeron et le sieur Bergeron a eu raison de songer lui-même à son propre autobannissement. En politique, les mains trop tendues de manière trop idéalistes sont souvent inquiétantes. Quand je vois Obama, qui essaie de gouverner de manière consensuelle plutôt que de manière claire, «progressiste» et «rooseveltienne», je suis inquiet. Un jour, si la tendance se maintient, Obama va tendre tendrement la main à Sarah Palin et au Tea Party. Bref, il ne nous reste plus qu'à voir et savoir ce qui va se passer. Tremblay le faiblard et Bergeron le fanfaron vont-ils continuer à collaborer en dépit des divergences? Et que fera l'opportuniste Mme Harel face à ces pugilats toujours un peu difficiles à décoder?

Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias

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Divorce inévitable

Le départ de M. Bergeron du comité exécutif n'est pas tant une expulsion qu'un divorce devenu inévitable. Dans ces événements, il faut reconnaître que M. Bergeron a fait preuve d'une qualité trop rare chez nos politiciens actuels: le courage de défendre des principes clairs. Dès son entrée au comité exécutif, M. Bergeron avait bien indiqué les limites qu'il fixait à sa collaboration avec l'administration Tremblay. Dans le dossier de l'échangeur Turcot, cette limite n'était pas sa vision personnelle du projet, mais bien des principes adoptés à l'unanimité par les trois partis montréalais, principes qui représentaient déjà d'importants compromis par rapport au projet idéal souhaité par M. Bergeron. Au cours de l'année qu'il a passée au comité exécutif, il est clair que M. Bergeron a influencé plusieurs décisions de l'administration Tremblay. Il a aussi dû faire des compromis. Son départ montre toutefois qu'il a toujours su distinguer compromis et compromission. Cela mérite d'être souligné dans le contexte de cynisme actuel face à l'ensemble de la classe politique.

Jean-François Desgroseilliers, Montréal

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Le petit laquais du PLQ

Ce geste, de la part du maire Tremblay, est totalement injustifié. Le maire de Montréal a mis le conseiller de Projet Montréal à la porte du Conseil exécutif à la première occasion où celui-ci a exprimé la moindre dissidence. Pourquoi alors lui avoir offert cette place au conseil exécutif puisqu'il était certain qu'un désaccord surviendrait à un moment ou à un autre? Tremblay pensait-il réellement qu'il réussirait à museler totalement le chef de Projet Montréal en lui offrant ce maigre appât? De plus, monsieur Bergeron n'a fait que défendre le projet d'échangeur qui était préconisé par la Ville de Montréal, que monsieur Tremblay devrait donc logiquement défendre. Au lieu de cela, ce dernier a décidé de se plier à la décision de Québec qui, comme dans le dossier du renouvellement des wagons de métro, se fout éperdument de l'opinion et des besoins de la Ville de Montréal pour son développement à long terme. Tremblay agit encore une fois en laquais du Parti libéral du Québec. Pauvre Montréalais, quel petit maire nous avons!

David Cormier, Montréal