La dernière fois que je suis allé chez Charles Aznavour, chez lui en Suisse, il était complètement anéanti par le décès d’un ami.

« Mon copain est mort hier, m’a-t-il annoncé. Il était charcutier. Nous étions amis depuis 38 ans ! Un ami de 38 ans ça ne se remplace pas, tu sais… »

Il y a quelques jours j’ai perdu, moi aussi, un camarade. Nous étions amis depuis 77 ans ! Je l’ai connu à Paris au lendemain de la guerre, lorsque j’ai été libéré du camp de concentration. En arrivant à Paris, je ne parlais pas un mot de français et les élèves de l’école catholique (!) – qui étaient tous des xénophobes – se sont copieusement moqués de moi.

Tous, à l’exception de Jean-Louis Morgan, qui est venu spontanément à ma rencontre. J’ai compris aussitôt que nous pourrions devenir des amis. Retrouver dans une amitié naissante une nouvelle enfance à prolonger, quel bonheur ! Sans oser me l’avouer, j’attendais désespérément quelqu’un comme lui.

Lorsque nous avons atteint tous les deux l’âge de 15 ans, nous avons décidé de produire un long métrage (excusez du peu !). Grâce à la générosité du père de Jean-Louis, notre mécène, nous avons réussi à faire notre premier film qui a été acclamé par le magazine cinématographique Ciné-Digest.

À l’âge de 17 ans, j’ai quitté Paris pour m’installer au Québec où je n’ai pas tardé à faire venir mon ami Jean-Louis qui, durant des années, a été mon proche collaborateur (éditions de l’Homme, éditions La Presse et éditions Stanké).

Rempli de talent et travailleur infatigable, il a dirigé, en l’an 2000, la publication de L’Encyclopédie du Canada. Une œuvre colossale qui a nécessité la participation de 3000 collaborateurs et 35 traducteurs !

Par ses moments de loisir (!), il a traduit une trentaine d’ouvrages (entre autres ceux du célèbre Dr Lobsang Rampa), et prêté sa plume anonymement à plusieurs célébrités, dont le Dr Alain Bombard et Lanza del Vasto.

Il a été mon coauteur à plusieurs occasions dont pour les livres Pax Plante – Lutte à finir avec la pègre (Éditions La Presse) ; Dr Armand Frappier – Un combat qui n’en finit plus (Éditions de l’Homme), Le réseau Shelburne (Archipel), etc.

Jean-Louis a également fait de la radio (en compagnie de René Lévesque et Judith Jasmin).

Voyage en Vespasie

C’est lors d’Expo 67, à l’émission Les couche-tard, à la plus grande joie du duo Roger Baulu et Jacques Normand, qu’il a révélé son étonnant côté fantaisiste en créant un pays fictif, qu’il a appelé la Vespasie.

Le commissaire du pavillon de la Vespasie, son Hon. Hasmek Kelbogusse avait succédé, peu de temps avant l’ouverture de l’Expo, à son compatriote Hasgusse Kelbomek.

Révélées au petit écran, ses trouvailles ont fait la joie de milliers de téléspectateurs.

Il parlait abondamment de son pays dont il ne cessait de vanter les mérites.

Un jour, Roger Baulu demanda au commissaire d’expliquer pourquoi un vol Montréal–Vespasie par la Vespasian Air Lines coûtait deux fois moins cher qu’un vol Montréal–Paris par Air Canada en dépit du fait que le trajet était deux fois plus long.

La réponse du commissaire ne s’est pas fait attendre : « C’est simple ! La Vespasian Air Lines ne sert pas de repas à bord ! Tout le secret est là ! »

Son imagination était foisonnante et ses répliques irrésistibles.

Lors d’une émission, il a révélé que les scientifiques de la Vespasie seraient couronnés incessamment par rien de moins que le prix Nobel.

« Leurs travaux ont permis de mettre au point quelque chose qui devrait révolutionner le monde ! a-t-il annoncé fièrement. Figurez-vous qu’ils ont fini par mettre au point l’INSÉMINATION ARTIFICIELLE… PAR LES MOYENS NATURELS ! »

Sacré Jean-Louis !

Il laisse dans le deuil sa femme Cathy, six enfants, les Vespasiens et… moi.

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