Qui se souvient de Tina ? Il y a exactement un an, le corps de cette jeune autochtone, lâchement assassinée, était repêché dans la rivière Rouge, au Manitoba. Depuis, Tina Fontaine est devenue le visage de la détresse autochtone, une détresse que les chefs politiques ne peuvent ignorer en cette campagne électorale.

L'élection du 19 octobre sera-t-elle l'occasion de mettre à l'avant-scène les enjeux autochtones, de dépasser le seuil des seules perceptions pour passer à l'action ? Les conditions semblent favorables.

Le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, qui doit permettre de tourner la page - sans jamais oublier - sur l'un des pans les plus sombres de l'histoire canadienne, celle de l'assimilation de jeunes autochtones dans les pensionnats, est encore frais en mémoire.

Sur un autre front, des voix continuent de se faire entendre pour réclamer la tenue d'une commission d'enquête publique sur la disparition et l'assassinat de centaines de femmes autochtones. Cette semaine encore, une mobilisation s'est tenue à Espanola, en Ontario. Si Stephen Harper a déjà fermé la porte à cette revendication, Justin Trudeau et Thomas Mulcair ont promis de répondre favorablement.

Rebâtir les ponts avec les communautés pour améliorer le sort des autochtones passe nécessairement par une volonté politique. Mais rien ne sera possible sans la participation des principaux intéressés. La voix des urnes demeure un moyen légitime d'y arriver. Le mois dernier, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, a d'ailleurs lancé un appel à la mobilisation, convaincu que les autochtones peuvent faire la différence dans 51 circonscriptions.

Le taux de participation des autochtones est traditionnellement anémique. Des analyses d'Élections Canada ont montré que les autochtones votent davantage quand ils sont concernés par les enjeux.

Avec des problématiques criantes, connues et documentées dans maints rapports, entachant même la réputation du Canada en ce qui concerne les droits de l'homme aux yeux de la communauté internationale, les enjeux sont faciles à cerner. Et nombreux.

De la pauvreté à la violence, en passant par la criminalité, les logements surpeuplés ou insalubres et plusieurs autres problèmes sociaux, il faut aussi ajouter les droits ancestraux et les revendications territoriales.

Dès le treizième jour de la campagne, le chef libéral, Justin Trudeau, s'est positionné en promettant plus de financement en éducation, désireux de relancer l'esprit de l'Accord de Kelowna (déchiré par les conservateurs), cette fois dans une perspective générale pour améliorer la qualité de vie dans les réserves.

L'éducation est effectivement un enjeu incontournable. Le taux de décrochage effarant, les écoles délabrées et l'exil forcé des jeunes qui espèrent entreprendre des études postsecondaires confirment qu'il s'agit d'un élément-clé pour espérer endiguer la pauvreté et les problèmes sociaux qui en découlent.

Mais il faudra encore plus, à commencer par un financement réaliste, un plan global et une avenue pour rétablir la confiance et le dialogue avec les communautés. Cela commence par l'implication des autochtones eux-mêmes.