Décidément, la décision de Postes Canada de cesser la livraison du courrier à domicile continue de recevoir un mauvais accueil. La société d'État n'aide pas sa cause en exigeant maintenant un billet médical de la part de certains citoyens.

Personne ne conteste qu'un coup de barre est nécessaire. Postes Canada voit le volume de son courrier fondre et ses pertes s'accumuler.

L'idée de cesser la distribution quotidienne du courrier à domicile pour les cinq millions de foyers canadiens qui en bénéficient est logique. Les deux tiers des ménages au pays récupèrent déjà leur courrier dans une boîte postale communautaire ou une installation centralisée.

Le problème est qu'il s'agit d'un virage majeur et qu'il est mal entrepris depuis le début. L'abolition du service a été annoncée par voie de communiqué, alors que les travaux parlementaires venaient de prendre fin et que la question ne pouvait être débattue à la Chambre des communes.

Depuis, l'information circule au compte-gouttes, laissant place à beaucoup de désinformation. Tout cela donne l'impression d'une grande improvisation.

Cette semaine, la société d'État a commis un nouveau faux pas en demandant aux citoyens qui ont des limitations physiques de remplir un formulaire détaillant leur état de santé. Pour certains d'entre eux, elle pourrait aussi exiger un certificat médical.

Postes Canada explique ainsi chercher une solution «personnalisée» pour les gens âgés ou handicapés qui craignent de ne pas être en mesure de récupérer leur courrier dans une boîte postale communautaire.

Cette exigence laisse perplexe. Faut-il aller aussi loin?

Le Collège des médecins a vite fait entendre son mécontentement, avec raison. Le recours au billet médical comme pièce justificative est de plus en plus fréquent, pour toutes sortes de situations. Les médecins sont débordés et il est difficile d'obtenir un rendez-vous. Est-ce nécessaire d'ajouter de la paperasserie? A-t-on également pensé à la difficulté pour une personne handicapée de se rendre dans un cabinet médical?

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada s'inquiète pour sa part de la quantité et de la nature des renseignements personnels demandés dans les formulaires. Elle compte demander des explications à Postes Canada.

Ces nouvelles voix discordantes viennent s'ajouter à celles de dizaines de maires - dont celui de Montréal - , de syndicats et d'organismes opposés à l'abolition du service de livraison du courrier à domicile.

Il est normal que le changement suscite de la peur et du mécontentement. Il faut du doigté pour que les gens finissent par l'accepter, mais visiblement, ce doigté fait défaut à Postes Canada.

Si elle veut réussir son virage, la société d'État doit revoir sa stratégie. Surtout, elle ne doit pas donner l'impression aux citoyens - ses clients - qu'elle doute d'eux.