Il n'y a pas que l'État de la Floride qui soit balayé par un vent glacial. Il semble que les théories de l'urbaniste Richard Florida soient, elles aussi, moins hot qu'elles ne l'ont déjà été.

Un texte très critique publié dans The American Prospect la semaine dernière a redonné de la vigueur aux anti-Florida - et ils sont nombreux.

 

Pour ceux qui ne le connaissent pas, Richard Florida est un urbaniste qui a fait fortune avec un livre, The Rise of the Creative Class, dans lequel il explique que la croissance économique des villes est liée non pas aux entreprises qui s'y installent, mais bien aux individus qui y vivent. Florida a concocté une formule simple (dans ce cas-ci les trois T pour Technologie, Talent et Tolérance) pour convaincre les villes qu'elles devaient attirer des jeunes à lunettes noires et ordinateurs portables (du genre qu'on retrouve au Laïka, et que le maire Labeaume rêve d'attirer dans le quartier St-Roch, à Québec).

Les idées de M. Florida ont connu un immense succès en Amérique du Nord, et Montréal n'a pas échappé à la vague, accordant même un contrat de consultation à M. Florida.

Or il y a deux choses que M. Florida n'avait pas vues venir dans sa boule de cristal: les mouvements d'opposition suscités par la gentrification que provoquent les transformations urbaines (c'est le cas dans la ville de Hambourg, en Allemagne) et la crise économique, qui a dévasté de nombreuses villes américaines. Que peut faire une ville comme Detroit, par exemple, pour espérer renaître? Ce n'est certainement pas en transformant deux ou trois usines désaffectées en lofts d'artistes et en cafés branchés qu'une économie manufacturière peut se réinventer.

Richard Florida n'est pas fou et dans son prochain livre, The Great Reset, à paraître au printemps, il reconnaît que la présence des créatifs ne règle pas tout. Surtout, il reconnaît qu'en cette ère postindustrielle, certaines villes ne réussiront pas à traverser la crise et que les cols bleus devront migrer vers des cieux plus cléments pour trouver du travail. Dur coup pour ceux qui avaient suivi ses conseils aveuglément.

Ce revirement de la part de Florida ne signifie pas qu'il se soit trompé sur toute la ligne. Dans le cas de Montréal par exemple, qui compte quatre universités et un grand nombre d'artistes et de créateurs, il est vrai de dire que la métropole doit miser sur cet atout pour attirer les entreprises et rayonner sur la scène internationale. Mais la stratégie de la métropole ne doit pas reposer exclusivement là-dessus pour prospérer. La preuve, c'est que malgré sa «classe créative», Montréal vient d'être coiffée du titre peu enviable de «capitale de l'aide sociale». Et qu'à la suite de la fermeture de la raffinerie Shell, 500 personnes se retrouvent sans emploi. Que peut la «classe créative» contre ça? Pas grand-chose, on le voit bien.

nathalie.collard@lapresse.ca