«Pourquoi nos enfants sortent-ils de l'école ignorants?» C'est la question assassine qu'un enseignant du cégep pose dans un livre paru la semaine dernière.

Ce constat, d'autres (parents, enseignants) l'ont fait avant lui. Il n'en est pas moins pertinent. Pour résumer grossièrement les propos de Patrick Moreau, disons qu'il affirme que les jeunes écrivent mal, parlent mal et n'ont plus de culture générale. Bref, que ce sont des ignorants.

Le grand coupable de cette médiocrité ambiante, selon lui: le ministère de l'Éducation, sa réforme et sa pédagogie par projet centrée sur l'enfant (ou l'apprenant) plutôt que sur les connaissances. L'enseignant dénonce la disparition du redoublement (et son corollaire, l'impossibilité pour l'enfant de faire face à l'échec), la piètre qualité du français enseigné, la difficulté (voire l'incapacité) pour les jeunes de structurer leur pensée et donc, de faire preuve de sens critique.

En ce qui concerne la qualité du français et le redoublement, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a redressé la barre l'an dernier. Il faudra attendre les résultats. Elle a également manifesté son désir de serrer la vis en ce qui concerne la formation des maîtres. Espérons qu'elle poursuive sur sa lancée.

Cela dit, on ne peut pas accuser le «programme» de tous les maux comme le fait M. Moreau. Il y a de bons enseignants qui réussissent, avec l'approche pédagogique imposée par Québec, à inculquer des connaissances à leurs élèves. Preuve, donc, que la faute n'incombe pas SEULEMENT aux technocrates du ministère de l'Éducation et que les compétences des enseignants pèsent aussi dans la balance.

C'est dailleurs une des faiblesses du livre de M. Moreau: il passe bien vite sur la responsabilité individuelle de ses collègues.

La qualité du français est pauvre chez les jeunes? Il faut entendre certains profs s'exprimer. Et on ne parlera pas du niveau de culture générale de plusieurs d'entre eux Dans son livre, M. Moreau se désole que ses élèves n'aient pas lu Proust. Ses collègues l'ont-ils lu davantage?

La réalité, c'est que l'école québécoise n'existe pas en vase clos. Elle évolue dans une société où règne un profond malaise chaque fois qu'on remet en question le niveau moyen de culture générale, le dépassement de soi et l'excellence. Soulever ces questions (comme le fait M. Moreau), c'est s'assurer à chaque fois d'être taxé d'élitisme, le vilain mot. Ce sont pourtant des questions essentielles.

Cette nième critique de l'école québécoise est-elle un coup d'épée supplémentaire dans l'eau? Il y a un risque. L'auteur prétend qu'il faut revoir de fond en comble l'éducation prodiguée aux jeunes Québécois. C'est le genre d'affirmation, trop large, qui reste habituellement lettre morte. Attendons au moins de voir les premières cohortes d'étudiants qui auront vécu la réforme au secondaire. D'ici là, M. Moreau propose une liste de solutions rapidement applicables: exiger des futurs enseignants une parfaite maîtrise du français parlé et écrit; s'assurer que les enseignants soient diplômés dans la matière qu'ils désirent transmettre (et éviter qu'un professeur d'éducation physique enseigne l'anglais du jour au lendemain). M. Moreau insiste également sur la revalorisation de la profession d'enseignant, question d'attirer de meilleurs candidats. On commence quand?