La Cour d'appel de Paris s'est prononcée en faveur de la laïcité, il y a deux jours, dans un conflit qui oppose une garderie privée à une employée. Le hijab est en cause, encore. Et le tribunal confirme qu'il est légitime pour la crèche de l'interdire au travail. Mais l'affaire n'est pas close pour autant: d'autres procédures sont possibles, y compris devant la Cour européenne des droits de l'homme.

Le même jour, une Française de 23 ans était d'ailleurs entendue par ce tribunal. Elle conteste l'interdiction dans les lieux publics du voile intégral, niqab et burqa. Et plaide le droit à l'exercice de sa religion ainsi que, fort étrangement, celui la protégeant de «la torture» et des «traitements inhumains et dégradants». L'affaire est pendante.

Quant aux juges du tribunal d'appel parisien, ils ont retenu la nécessité de protéger les enfants dans «leur liberté de pensée, de conscience et de religion à construire».

Les enfants avant la religion, en somme.

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La France est certainement le pays où les plus grands efforts sont faits au nom de la laïcité.

Les premières velléités de résistance à la pression religieuse, en particulier islamique, y remontent aux années 1980. La loi interdisant le port de signes ostentatoires à l'école date de 2004. Celle interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public est entrée en vigueur en 2011.

Or, celle-ci, appliquée par la police (705 interpellations en deux ans), a parfois été accueillie par la violence et même l'émeute: le processus se révélera-t-il à ce point fastidieux qu'on hésitera un jour à y recourir? Sinon, on l'a vu, les appels aux tribunaux ou à des instances supérieures sont systématiques, partout en Europe. Enfin, les cas d'espèce se révèlent si nombreux qu'aucune loi ne peut prévoir où et comment surgira le prochain.

Conclusion? La loi a des limites. Et la religion possède un don pour mener les controverses dans des culs-de-sac moraux, légaux et pratico-pratiques.

Au Québec aussi, il y a des années que la question est examinée sous tous les angles, souvent à grands frais. Après tout cela, soyons francs, aucune autre solution que le laisser-faire - ou presque - n'apparaît facile: même la Cour suprême, qui ne manque ni d'intelligence ni de pouvoir, a été incapable de décider si une femme peut ou non témoigner masquée dans une cause criminelle!

Si on croit que le retour en force du fait religieux au XXIe siècle n'est pas une chose souhaitable, il faudra se mettre à penser différemment. Et à plus long terme. La foi et la façon de la vivre, plus ou moins radicale, se transmettent dans la famille, à l'école et par la pression sociale. Sauf en cas d'abus flagrants, la famille est intouchable et doit le demeurer. On peut cependant agir sur l'école. Et, surtout, contrebalancer la pression sociale.

Dans ce dernier cas, chacun peut faire oeuvre de missionnaire.