Le 14 avril dernier, lorsque Nicolas Maduro a été élu de justesse à la présidence du Venezuela, la question qui se posait était de savoir s'il serait capable de chausser les bottes d'Hugo Chavez. Huit mois plus tard, il faut répondre par la négative.

Il ne s'agit pas de savoir si Chavez a correctement administré son pays, bien sûr. L'homme a essentiellement fonctionné en s'appuyant sur l'idéologie (le marxisme à papa relevé de folklore révolutionnaire latino-américain) ainsi que sur l'obsession du pouvoir personnel. Ce qui a donné ce que ça donne toujours: fuite en avant dans le dirigisme et sabotage de l'économie.

Cependant, Hugo Chavez en imposait, était charismatique, maniait la politique comme un jongleur, savait jusqu'où aller trop loin. Ce n'est pas le cas de Nicolas Maduro.

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La «guerre du papier de toilette», comme la désignent les médias, est le fait dominant de la vie vénézuélienne.

De tous les biens de consommation souvent introuvables, de la farine au lait, c'est certainement celui qui a le plus attiré l'attention. La population a réagi en mettant en ligne des sites de «ravitaillement» donnant l'état des stocks en temps réel. 

Le président a envoyé l'armée et les fonctionnaires occuper la principale manufacture (privée) de produits du papier. Et un haut fonctionnaire a expliqué: les Vénézuéliens, moins pauvres grâce aux politiques du regretté Hugo Chavez, mangent dorénavant davantage et ont donc davantage besoin de... enfin, bref.

Cependant, l'attention se porte maintenant sur autre chose.

Maduro a en effet déclaré la guerre aux détaillants de biens électroniques et électroménagers, les accusant de comploter (avec l'extrême droite et les États-Unis) afin de garder les prix élevés. Il en a emprisonné quelques-uns et ordonné des «soldes»: la foule est accourue, évidemment, et on a dû faire appel à l'armée - il y a eu a du pillage et des coups de feu. À trois semaines d'élections locales dont Maduro craint les résultats, il a menacé de s'en prendre de la même façon aux autres secteurs du commerce au détail en utilisant au besoin des pouvoirs d'exception.

Tout cela ne serait qu'anecdotique si l'économie (qui survit grâce à la planche à billets), les infrastructures (réseau électrique et raffinage pétrolier sont en déliquescence), la sécurité publique et la liberté de presse n'étaient en si mauvais état. Il y a trois jours, la présidente du FMI, Christine Lagarde, a prévenu que Caracas devrait faire bientôt des «choix difficiles».

Mais, là aussi, Nicolas Maduro a trouvé la solution.

Il a en effet institué un vice-ministère du Bonheur social suprême (sic), qui fait la joie des internautes du pays. «Sera-t-il rattaché au ministère de l'Amour ou à celui de l'Abondance?», persifle l'un d'eux...

Hugo Chavez ne reculait pas devant les excentricités. Mais il n'aurait probablement jamais eu l'audace de se faire ainsi le disciple de George Orwell.