Quel effet aura la séance de natation dans les eaux du scandale à laquelle le Québec se livre depuis des mois, sinon des années? Cette immersion ne mènera-t-elle pas au fatalisme et à la capitulation? Ne confortera-t-elle pas l'idée déjà répandue voulant qu'il existe bel et bien deux classes de citoyens, les intouchables et les autres? Pour faire image: ceux qui fréquentent le 357c et ceux qui ne le fréquentent pas?

Lorsque la commission Charbonneau aura achevé son travail, on verra bien qui paiera pour les pots cassés... hormis le contribuable, bien sûr, qui assume les coûts du béton coulé au prix fort, des enveloppes brunes et de l'agitation avocassière.

Chacun a le droit d'être méfiant.

En attendant, le seuil de tolérance à la cassure sociale semble déjà s'élever, comme si tout cela avait un effet anesthésiant. En témoigne l'indifférence qui a accueilli, cette semaine, deux révélations à haute valeur symbolique. Celle concernant l'accès à la médecine privée gracieusement accordé aux huiles du secteur public. Et celle rappelant la bonne fortune des cadres de l'Université du Québec à Montréal qui ont provoqué le coûteux désastre de l'îlot Voyageur.

On ne voit ici rien de criminel - bien que, dans le second cas, la police ait cru bon de scruter à la loupe les livres comptables de l'UQAM. Mais on y trouve matière à nourrir l'impression qu'existe une nomenklatura gratifiée de privilèges et soulagée des contraintes imposées au prolétariat.

Une situation toute soviétique, en somme.

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Les ruines flambant neuves s'élevant au centre-ville, conçues et construites sous la gouverne de l'université du peuple, ont à ce jour coûté à celui-ci plus de 300 millions - et le compteur tourne toujours.

Qui est responsable? Personne. Celui qui gérait les immobilisations de l'institution, Nicolas Buono, a plutôt reçu une juteuse compensation, nous apprend le Journal de Montréal. En fait, le triumvirat (complété par les ex-recteur et vice-recteur, Roch Denis et Mauro Malservici) qui présidait aux destinées de l'UQAM aura empoché un demi-million de dollars!

Tout à fait légalement.

Autre affaire pernicieuse, celle des cadres de plusieurs sociétés d'État envoyés, tous frais payés, dans des cliniques privées offrant des bilans de santé. C'est-à-dire: l'accès à la plus rapide des deux vitesses de la médecine québécoise.

Le coût est négligeable. Mais la dépense morale est grande. L'État n'avoue-t-il pas ainsi qu'il échoue à administrer un système public qu'il juge lui-même inadéquat? Et peut-il continuer à interdire aux masses laborieuses ce qu'il octroie à ses mandarins alors que le cochon de payant casque à la fois pour ce système insuffisant et pour que des apparatchiks s'en extraient? «Le système public, c'est juste bon pour le petit peuple», ironise le député de Québec solidaire, Amir Khadir.

Parfois, on a presque le goût de déclencher un nouveau round de la lutte des classes.