L'hypothèse la plus plausible - et la plus délicate au point de vue de la paix sociale dans une nation déjà bousculée - semble la bonne. Le tueur de Toulouse ne serait ni un néonazi ni un psychopathe. Hier, revendiquant le titre de moudjahiddine, un jeune Français d'origine algérienne a fièrement déclaré être l'assassin de trois militaires, d'un rabbin et de trois enfants juifs.

Mohamed Merah a dit appartenir à Al-Qaïda et assuré que son intention était de tuer à nouveau.

En embuscade dans son logis pendant de très longues heures, il a été fort bavard dans ses conversations et négociations avec la police - et avec la chaîne d'info continue France 24, qu'il aurait contactée avant d'être cerné. Ses mobiles? Venger les enfants palestiniens. Punir l'armée française pour sa présence en Afghanistan. Dénoncer les lois sur le voile islamique - dont on comprend encore une fois la lourde charge politico-religieuse.

Voilà pour ce qui est à peu près connu et avéré.

Cependant, une fois que tous les clichés d'usage auront égrené et que toutes les accusations de «provocation» auront été lancées, il faudra savoir ce qui s'est passé. En particulier en ce qui concerne le parcours de Merah.

Bien sûr, ce serait un soulagement si l'homme n'était qu'un solitaire illuminé. C'est ce que suggèrent les indices qu'il a laissés derrière lui, dont une adresse IP, l'équivalent d'une signature!

Mais plusieurs faits disent autre chose.

D'abord, l'amateurisme n'est pas inconnu au bataillon des soldats islamistes, comme on l'a maintes fois constaté... Ensuite, au moins une autre personne, son frère (actuellement détenu), semble être mêlé de quelque façon à l'affaire. Enfin, carrossier de métier et petit criminel de droit commun, Mohamed Merah avait peu de moyens. Néanmoins, il avait accès à des véhicules et à un véritable arsenal; il avait aussi séjourné en Afghanistan, ce qui n'est aisé ni au point de vue des coûts ni de la sécurité (beaucoup de confusion existait, hier, à ce sujet).

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En pleine campagne présidentielle, l'affaire a déjà eu un considérable impact politique même si, officiellement, le train électoral a été temporairement stoppé.

Or, par le passé, tous les attentats islamistes ont alimenté des discours publics où la prise en compte de la réalité n'a pas toujours été le principal souci. Entre naïveté - ou rectitude politique, ce qui est pire - et alarmisme, on est rarement parvenu à mesurer de façon exacte le danger que présente en Occident le terrorisme contemporain.

Par chance (si l'on peut dire...), l'Europe est extrêmement familière depuis des décennies avec les diverses terreurs. Aussi, le devoir de l'appareil politique français est aujourd'hui de prendre cette mesure sous l'éclairage nouveau donné par la tragédie de Toulouse.

Et de le faire en résistant à la tentation de pousser les réalités gênantes sous le tapis comme, hélas, il l'a trop souvent fait.