Tout s'est passé comme prévu, hier, lors de l'élection présidentielle russe. Vladimir Poutine a été élu - réélu, en fait, compte tenu des deux mandats assumés de 2000 à 2008. Et il l'a été en récoltant suffisamment de voix pour éviter un second tour. La participation aurait été un peu moins forte qu'à la présidentielle de 2008 qui avait plébiscité son chargé de pouvoir, Dmitri Medvedev.

Comme prévu aussi, les urnes à peine scellées, les plaintes d'irrégularités ont fusé par milliers. Et ce, malgré la présence d'observateurs ainsi que de caméras de surveillance dans la plupart des 95 000 bureaux de scrutin.

Ces anomalies - pour employer un euphémisme - ont-elles été plus lourdes qu'aux législatives de décembre dernier? Difficile à dire pour l'instant, bien qu'il ait été clair avant même l'élection que le «système Poutine» travaillait à piper les dés. Quoi qu'il en soit, l'élection remet l'État russe entre les mains d'un homme qui, en deux mandats de six ans, pourrait être président jusqu'en 2024!

Tout le monde le dit et, néanmoins, c'est vrai: Poutine est le nouvel «empereur et autocrate de toutes les Russies», comme on désignait Nicolas II... avant qu'il ne soit emporté par la révolution.

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Révolution?

Presque un siècle après les événements mythiques de 1917, la dernière idée romantique circule depuis quelques mois à Moscou. Mais on ne voit pas venir de nouveau Lénine qui ferait subir à Vladimir Poutine le sort de l'ultime représentant de la maison Romanov!

Certes, le presque président à vie gouverne à la manière d'un tsar. Ou, plus exact encore, d'un despote soviétique que les années passées au KGB ont rompu aux manoeuvres politiques les plus sinistres qui soient.

De fait, il fait face à une forte opposition. Celle du communiste Guennadi Ziouganov, bien sûr, arrivé deuxième et qui ne désarme pas. Et surtout celle de la «rue», qui doit à nouveau se faire entendre, aujourd'hui, dans la capitale.

Cependant, il s'agit d'une opposition «moderne».

Moderne en ce sens qu'elle est celle d'une minorité instruite, bourgeoise, motivée et bruyante. Ce qui, revu et traité par l'amplificateur médiatique, fait oublier que les Russes ont probablement voté pour Poutine en nombre suffisant pour lui donner un vernis de légitimité. Pourquoi? Parce que ce peuple a beaucoup souffert longtemps avant et immédiatement après l'implosion soviétique. Parce qu'il a vu ensuite la stabilité et le progrès économique s'installer sous le nouveau tsar.

Tout cela rend-il moral le «système Poutine» ? Pas du tout. Cela promet-il que la relative satisfaction populaire se perpétuera au cours des années à venir? Encore moins. S'il évolue (et c'est presque obligé) vers une gouvernance toujours plus autoritaire, si de plus (comme c'est probable) l'économie se détériore, Vladimir Poutine ne durera pas.