Christopher Hitchens n'est plus. Même si on savait cette fin inéluctable, la tristesse qu'elle provoque est immense chez qui a dévoré ses bouquins (quelque 25 pamphlets, études, essais) ainsi que ses articles dans Vanity Fair etSlate, notamment. Ou chez qui a absorbé, en direct ou par l'entremise de ce conservatoire magique qu'est Youtube, les centaines de conférences qu'il a données.

Ceux et celles-là savent pourquoi Hitchens était, et demeure au-delà de la mort, un des plus grands intellectuels de notre époque.

«Hitch», comme le surnommaient ses amis, a conquis un large public en 2007 avec l'un de ses seuls livres à avoir été traduit en français, Dieu n'est pas grand/Comment la religion empoisonne tout. Après le 11 septembre 2001, en effet, atterré par cette réapparition meurtrière de la religion dans l'espace public, il avait fait de la lutte contre les dieux et la déraison son principal combat. Les cruels despotes divins, lançait-il avec drôlerie, ne sont que les «chers leaders d'une Corée du Nord céleste»!

Ainsi, il fonda avec le biologiste Richard Dawkins (Pour en finir avec Dieu) et le neurologue Sam Harris (The End of Faith, non traduit en français) le noyau dur de ce qu'on devait appeler le «nouvel athéisme».

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Mais Christopher Hitchens était bien davantage qu'un athée militant.

Ou plutôt: son militantisme athée était le fruit d'un esprit unique. Celui d'un homme d'une intelligence fulgurante ainsi que d'un insurpassable talent d'écrivain et d'orateur. De fait, on a inventé le mot «Hitchslaps» pour désigner ses envolées incisives et ses répliques assassines! Surtout, né Britannique et devenu citoyen américain en 2007 par solidarité avec cette nation, Hitchens vivait ses convictions.

Indécrottable fumeur, buveur et oiseau de nuit, il disait par autodérision que la transformation de l'eau en vin aux noces de Cana était son «miracle préféré»!

Il fut le plus ardent défenseur d'un Salman Rushdie condamné à mort par l'islamofascisme, mais pourfendit avec une égale vigueur le télévangéliste Jerry Falwell. Ex-trotskyste, il rejeta le socialisme. Il critiqua tout autant la «fraudeuse» Mère Teresa que le «criminel» Henry Kissinger. Il prit position en faveur de l'intervention armée en Irak en 2003 (ce qui lui valut un régiment d'ennemis!), mais appuya Barack Obama lors de la présidentielle de 2008. Il n'était ni de droite ni de gauche parce qu'il était un homme libre.

Et si on vous dit que Christopher Hitchens s'est converti sur son lit de mort, n'y prêtez pas foi.