Barack Obama est l'homme des grandes idées et des grandes occasions, comme on l'a bien vu pendant la période de son ascension vers la Maison-Blanche. Mais c'est aussi un homme souvent malhabile dans la quotidienneté de la politique, ce qu'on a constaté depuis janvier 2009.

Mardi, c'est le premier de ces deux hommes qui a parlé - et il est étonnant que ce discours n'ait pas eu un plus grand retentissement.

Le président des États-Unis a livré une allocution à saveur économique dont l'objectif partisan était clair, bien sûr. Mais il a fait beaucoup plus. Il a démonté la mécanique du capitalisme pour mettre à nu les moteurs qui en assurent le succès - ou dont la panne en provoque l'échec.

Peut-être l'avait-on oublié: il s'agit de la prospérité de la classe moyenne et de la mobilité sociale qui donne aux moins nantis l'espoir d'y accéder.

Les inégalités entre riches et pauvres croissent, a évidemment noté Obama. Mais il s'agit surtout d'un symptôme, celui d'un système fracturé dans ce qu'il a de plus essentiel. «Au cours des dernières décennies, l'échelle sociale est devenue plus difficile à escalader et la classe moyenne s'est rétrécie. Après la Deuxième guerre mondiale, un enfant pauvre avait plus de 50% des chances d'accéder à la classe moyenne à l'âge adulte. En 1980, c'était 40%. Et si les choses continuent de cette façon, un enfant né aujourd'hui n'aura qu'une chance sur trois d'y parvenir...», a-t-il illustré.

***

En particulier depuis le Tea Party et Occupy Wall Street, la conscience d'une grave brisure sociale, d'un détournement du système, s'est graduellement ancrée dans la psyché américaine. Car, si bien des pays sont malmenés par la conjoncture, aucun peuple n'est touché autant que les Américains, pour qui la déconfiture est économique, philosophique et morale.

Voyant cela, le président s'est adossé à l'Histoire, à une figure historique en particulier: Theodore Roosevelt, un républicain qui occupa la présidence au tout début du XXe siècle. Il lutta en faveur de mesures de protection pour les travailleurs, la classe moyenne, les consommateurs. «Il savait que le libre marché n'équivaut pas à une permission de prendre tout ce que vous voulez de tous ceux que vous pouvez (...) et pour ça, on a traité Roosevelt de socialiste!» a rappelé Obama, lui-même souvent affublé de ce qualificatif...

Celui-ci se sera donc attaqué pour une première fois de front aux actes de foi les plus fondamentaux des républicains - les zélateurs de cette sorte de droite erratique qui n'existe probablement nulle part ailleurs qu'aux États-Unis.

Ce faisant, le président a donné un peu d'élévation au débat qui s'amorce et qui en aura bien besoin.