Nous publions aujourd'hui le premier de deux éditoriaux sur l'avenir des États-Unis.

Cette fois-ci est-elle la «bonne»? Depuis un demi-siècle, on a si souvent chanté l'oraison funèbre de l'hyper-puissance américaine, annoncé son déclin et prédit sa chute imminente, qu'il est aujourd'hui gênant de se transformer à nouveau, sur ce sujet, en Nostradamus des pauvres.

Pourtant, la crise qui secoue l'Amérique depuis maintenant trois ans est existentielle, pour ainsi dire: l'«empire» est grièvement blessé...

L'économie des États-Unis est la première atteinte, on le sait. Le camouflet suprême a sans doute été la leçon de capitalisme (!) servie à Washington par Pékin après la première gifle administrée par Standard $ Poor's. Pékin qui tient la banque et fait tourner l'usine (au palmarès de Fortune 500, trois des dix premières places vont à des compagnies chinoises, deux à des américaines).

Pékin qui, discrètement, pays par pays, continent par continent, s'impose au monde comme l'«ami chinois» en lieu et place de l'«ami américain»...

Mais l'économie n'est pas la seule variable à indiquer un début de fin de route pour les États-Unis.

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Voyons par exemple l'appareil militaire américain, gigantesque, engloutissant 43% (soit 650 milliards $US en 2010) du budget militaire mondial. Or, ce pachyderme est depuis longtemps incapable de la moindre victoire sur des ennemis infiniment plus faibles. Et surtout, il se montre impuissant à penser l'avenir, à saisir ce que sera dorénavant l'usage étatique de la force dans un monde où ce ne sont plus surtout les États qui en usent. Et qui gagnent.

Voyons aussi ce monde politique complètement détraqué qu'abrite Washington. Un monde où le moindre mal est un président trop faible pour un moment trop fort. Et où le pire est l'émergence d'un type inédit de droite qui, s'étant approprié le Parti républicain, a complètement détruit un conservatisme historiquement doté de raison. Qui, en 2012, sera le candidat républicain à la présidence? Les réponses possibles font frémir...

Et on sent bien que tout ça n'est ni conjoncturel ni anecdotique, mais que c'est bâti pour durer.

Voyons enfin ce facteur lié à ce qui précède: dans sa partie la plus visible, bruyante et inquiétante aussi, la société américaine est devenue prompte à mépriser la science. Et de plus en plus friande de religion et de fabulation conspirationniste ou ésotérique. Ce sont des maux de sociétés arriérées, pauvres et faibles, aujourd'hui en croissance exponentielle dans une société développée, riche et forte.

Mais surtout, c'est l'espoir qui semble de ne plus y être. Et l'optimisme, et l'inventivité, et l'ingéniosité. Et le rêve, le fameux «rêve américain».

Ce que nous verrons, demain: «Au bord du suicide»