L'OTAN a transmis, hier, la responsabilité de la sécurité locale aux autorités afghanes dans la province de Bamyan. Cette région, choisie pour la première étape de la transition, est réputée calme. Mais elle garde le souvenir d'un événement hautement symbolique: la destruction par les talibans, en mars 2001, des bouddhas géants du Ve siècle. L'épisode annonçait le déchaînement de violence fanatique qui allait secouer le monde quelques mois plus tard.

Province par province, ville par ville, ce transfert de responsabilité va donc se poursuivre jusqu'en 2014, parallèlement au retrait progressif des troupes internationales. Reste à savoir si ce fragile édifice, celui d'une paix que l'on n'est pas vraiment parvenu à installer malgré 10 ans d'efforts (et 157 militaires canadiens tués), ne s'écroulera pas dans un enfer de violence.

Exactement comme les colossales statues de Bamyan sont tombées sous les charges d'explosif.

Peu d'Afghans sont optimistes à ce sujet. Et ils ont raison de douter: les six premiers mois de 2011 ont été les plus violents que l'Afghanistan ait connus depuis le déboulonnage du régime taliban, fin 2001.

De plus en plus d'actes de violence sont commis par des membres des forces de l'ordre afghanes, infiltrées par les talibans (le plus récent événement de ce type a eu lieu ce week-end). Depuis le début de l'année, 1462 civils ont été tués, à 80% victimes des attaques et attentats des insurgés. Une attaque déclenchée fin juin contre un hôtel du centre de Kaboul, sorte de château-fort supposé inexpugnable, a fait 21 morts. Enfin, l'assassinat d'Ahmed Wali Karzaï, frère du président afghan et roitelet de Kandahar, laisse présager le pire pour cette région cruciale - sans parler de l'impact psychologique d'un attentat-suicide destiné à saluer ses funérailles et qui a fait trois morts...

Le fait est que, discrètement, le Canada se prépare à accueillir 550 interprètes afghans qui ont servi nos forces armées à Kandahar: ils sont en danger de mort si on les laisse derrière nous en quittant le pays...

Contemplant ce sombre tableau, revient infailliblement en mémoire le sort des Britanniques et des Soviétiques en terre afghane.

D'ailleurs, ce parallèle sous-tend le message adressé la semaine dernière par les talibans aux citoyens canadiens. Il leur est ainsi conseillé de «demander à (leur) gouvernement et état-major militaire quels objectifs et quels accomplissements ont été atteints depuis dix ans, sinon des morts et de la destruction».

Cette missive est rédigée sur le ton pondéré, assuré, de celui qui a vaincu - et non par une plume trempée au vitriol, comme à l'habitude. Volonté d'apaisement? Ouverture à la négociation?

Que ça plaise ou non et quels que soient les discours lénifiants venant d'en haut, il semble bien qu'on en soit là aujourd'hui.

mroy@lapresse.ca