Nous publions aujourd'hui le premier de deux éditoriaux sur le fléau que constitue l'ignorance de l'Histoire.

L'époque actuelle, en particulier telle qu'elle est vécue en Occident, est la pire que l'humanité ait connue depuis la nuit des temps. Affirmation farfelue? Peut-être. Néanmoins, c'est celle que l'on ne cesse de nous enfoncer dans le crâne du haut des chaires occupées par les professionnels des mots, remarquablement unis dans le plus noir pessimisme. Même à l'école, l'enfer actuel et l'apocalypse à venir semblent avoir accédé au rang de matières obligatoires.

Lorsqu'il s'agit de décrire les défaites, échecs, erreurs et horreurs de notre espace et de notre temps, aucun superlatif n'est trop fort.

La pauvreté est en constante augmentation: «Crise alimentaire... Paupérisation massive... Recul des progrès si difficilement obtenus dans le domaine du développement...» se désole un haut fonctionnaire de l'ONU. À en croire la pensée unique ambiante, la pollution, la nourriture, les OGM, les ondes, la chimie industrielle, déciment les populations comme jamais auparavant. La guerre est devenue le mode naturel des relations internationales. Et les violences de toutes sortes, l'ordinaire des relations entre les individus. Le racisme, l'homophobie, le sexisme triomphent (seulement en Occident, bien sûr) : un professeur de science politique à l'UQAM consacre 37 pages à disséquer le biais «masculiniste» du... magazine Châtelaine!

Sommes-nous devenus fous? Non. Tout ça n'est qu'un début. Demain sera bien pire encore!

«L'homo sapiens va s'éteindre, peut-être dans moins de 100 ans. La situation est irréversible. Il est trop tard...» vient de prévenir un professeur de microbiologie à l'Université nationale australienne, dernier de mille prophètes de malheur...

Pourquoi?

Il serait presque rassurant de savoir qu'il n'est tout simplement pas «branché» d'être optimiste, le catastrophisme ambiant n'étant alors qu'une passade qui passera. Mais c'est faux. Ce syndrome de la fin du monde est plus qu'une mode et ne passera pas. Il est un exutoire trop parfait pour l'extraordinaire capacité de l'Occident à s'auto-flageller sans répit, un phénomène que nous avons souvent évoqué dans cette colonne. Surtout, ce syndrome constitue un bloc solide de désespérance fondée sur l'ignorance volontaire - ce qui ne se répare qu'à très long terme, ou alors jamais.

On a récemment déploré, avec raison, les insuffisances dans l'enseignement de l'histoire nationale du Québec. Mais il y a pire: l'enseignement de l'histoire de l'humanité dans une perspective anthropologique n'existe tout simplement pas.

Nous ne savons pas d'où nous venons en tant qu'espèce. Nous ignorons presque tout de ce que cette espèce, au fil des millénaires, a vu, vécu, vaincu. Nous méconnaissons de quelle façon, par quelle intelligence, par quelle ingéniosité, par quel labeur, la bête humaine a prodigieusement prospéré... et, si elle le souhaite vraiment, continuera à le faire dans le futur.

Cela, et rien d'autre, constitue la véritable catastrophe.

À lire vendredi: La victoire de l'espèce